371 D’emblée, rappelons qu’il n’existe pas, en droit français, de principe général de maintien des avantages acquis, quelle que soit leur source. Dès lors, la disparition d’un acte juridique tel qu’une convention ou un accord collectif entraîne ipso facto la disparition des droits et avantages dont il est le support, sans qu’aucun principe juridique supérieur n’en assure le maintien. Le contraire reviendrait à contredire les règles relatives à la cessation des effets des actes juridiques954.
Toutefois, par exception, le droit des conventions collectives a prévu dans certaines hypothèses la survie de l’ancienne convention pendant une durée limitée à un an, puis en l’absence d’accord substitué ou négocié, la conservation des seuls avantages individuels acquis955. Dès lors, la loi confirme implicitement qu’il n’existe aucun principe d’incorporation des dispositions des accords collectifs dans les contrats individuels de travail. En effet, si un tel principe existait, il assurerait la pérennité des avantages antérieurs et aurait par conséquent rendu inutiles les précautions prises par le législateur pour assurer, dans une certaine mesure, leur survie956 .
Une relative permanence des avantages acquis peut donc être observée, bien qu’elle ne fasse pas l’objet d’un principe général susceptible de garantir le maintien définitif et intégral du statut conventionnel au bénéfice des salariés957. Dès lors, comment le droit aménage-t-il cette permanence ? Quels effets en découlent pour le salarié, notamment s’il entend faire valoir et défendre des avantages individuels acquis ? Chercher à répondre à ces questions nécessite au préalable d’identifier le ou les fondements juridiques du maintien des avantages acquis de source conventionnelle au profit des salariés ( §1 ).
Or, latâche n’est pas aisée, le texte légal étant lui-même peu éclairant. A ce jour, l’observation du droit positif suggère de voir dans le contrat de travail le nouveau support des avantages maintenus. La mutation est audacieuse, transfigurant, par l’intermédiaire de la loi, des normes négociées collectivement en des obligations qui auraient été consenties par les parties au contrat de travail. A telle enseigne qu’il semble admis que les salariés puissent, grâce à cette mutation de source, les consolider et les défendre en dépit d’une « précarité qui paraît bien être de leur essence » 958 ( §2 ).
V.Y . Chalaron, Traité précité p 300-301.
Art. L. 2261-11 du code du travail.
J. Deprez, « Un remède incertain à la précarité des avantages acquis : l’incorporation dans le contrat de travail », Dr. Soc. Déc. 1986 p 906 et suiv.
Certes, les mécanismes légaux tendent certainement à assurer cette permanence. Par ailleurs, les partenaires sociaux eux-mêmes peuvent prévoir des mécanismes conventionnels destinés à assurer une certaine survie des éléments du statut conventionnel.
J. Deprez, art. préc. « Un remède incertain à la précarité des avantages acquis : l’incorporation dans le contrat de travail », p 906 et suiv.