Titre III : Une volonté protégée en cas de ruptures du contrat

388 La mesure de la volonté du salarié dans la dimension contractuelle du rapport d’emploi impose en dernier lieu de s’interroger sur le rôle de cette volonté lors de la rupture du contrat de travail. En effet, le droit de la rupture du contrat de travail est largement fondé sur un acte de volonté.

Classiquement, c’est la démission qui représente la volonté unilatérale du salarié de rompre le contrat à durée indéterminée990. Acte volontaire fort, la démission permet au salarié de décider librement de quitter son emploi. La démission est donc une démarche de liberté autant que de volonté. Le juge social s’affirme sans conteste comme le garant de cette double exigence, au travers du contrôle qu’il exerce sur la qualité et l’intégrité de la manifestation de volonté du salarié. De sorte que cette volonté apparaît, en contexte de ruptures, sous tutelle du droit et demeure largement protégée.

Au demeurant, l’initiative de la rupture dépasse ici l’analyse syncrétique de la volonté comme formant un tout composé de la volonté de rompre et de celle d’assumer les conséquences de la rupture. A telle enseigne que la jurisprudence et les auteurs ont cherché à rendre compte de la dissociation entre volonté déclarée et volonté réelle, à partir d’une distinction entre l’initiative et l’imputabilité. Ce constat irrigue la démission mais aussi les autres modes de rupture unilatérale reconnus au salarié par le juge social.

En effet, la « prise d’acte » par le salarié de la rupture qu’il impute à l’employeur tend de plus en plus à devenir le mode de rupture dominant à l’initiative du salarié, la résiliation judiciaire du contrat demandée par le salarié aux torts de l’employeur demeurant accessoire. Ce premier angle d’étude sur la rupture unilatérale à l’initiative du salarié s’annonce donc plus riche qu’il n’y paraît et certainement singulier (Chapitre 1).

389 De façon plus marginale, la volonté du salarié de rompre le contrat de travail peut rencontrer celle de l’employeur. La rupture d’un commun accord est admise comme licite en son principe par la jurisprudence, par application de l’article 1134 alinéa 2 du code civil. Mais ce mode de rupture a été pendant longtemps très peu utilisé car peu attractif. Diverses raisons expliquent ce constat, en particulier une suspicion enracinée à l’égard d’une volonté commune de rompre le contrat de travail, en raison de l’inégalité des parties en présence. Pourtant, l’arrivée de la rupture conventionnelle issue de la loi sur la modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 ouvre des perspectives nouvelles et pourrait traduire une certaine faveur pour la rupture consensuelle, stabilisée par une procédure garantissant la liberté de consentement du salarié et le bénéfice d’une indemnisation. Au demeurant, la rupture conventionnelle, quelle que soit son mode d’exercice, constitue un mode autonome de rupture du contrat de travail, contrairement à l’accord transactionnel.

Bien que résultant d’un commun accord des parties au contrat, celui-ci ne constitue pas en soi un mode de rupture mais un accompagnement d’une rupture du contrat de travail déjà consommée. Considéré comme un acte de puissance des volontés privées, il témoigne classiquement de la liberté contractuelle des parties et de leur capacité à régler à l'amiable leurs différends nés de l’exécution ou de la rupture du contrat par des concessions réciproques. Un tel acte juridique est porteur d’une idée de renonciation puisqu’il permet d’écarter des dispositions qui devraient s’appliquer à une situation juridique donnée. Dès lors, on s’attachera à examiner comment le droit du travail, traditionnellement réticent à l’idée de renonciation du salarié991, reçoit et accueille la volonté du salarié dans un tel acte à caractère abdicatif.

Ce sont donc ces différents aspects qui jalonneront notre démarche pour rendre compte de l’idée de volonté commune, au moment de la rupture du contrat (Chapitre II).

Notes
990.

Art. L.1231-1 du code du travail.

991.

V. nos précédents développements à chaque stade de la vie du contrat de travail.