§1- La prise d’acte : fracture singulière entre initiative et imputabilité 

407 Depuis les décisions du 25 juin 2003, la Chambre sociale a entendu revenir, compte -tenu de ses effets excessifs et du profond « malaise » 1043 qu’elle avait suscité, sur sa jurisprudence antérieure1044 en matière d’imputabilité de la rupture, en cas de prise d’acte de cette dernière par le salarié aux torts de l’employeur.

En effet, la prise d’acte ne pouvant s’analyser en une démission claire et non équivoque, était considérée comme un licenciement nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de lettre motivée de l’employeur, quel que soit le bien fondé des griefs reprochés à celui-ci. Le caractère réel et sérieux des griefs invoqués à l’encontre de l’employeur demeurait en quelque sorte étranger au règlement du litige. Ce qui revenait à abandonner au salarié la qualification de la rupture. La décision du salarié était suffisante pour faire imputer à l’employeur une rupture que le salarié n’entendait pas assumer, ce même si, en définitive, les griefs invoqués à l’encontre de l’employeur n’étaient pas fondés. C’est ainsi que certains auteurs avaient pu parler d’autolicenciement1045, le salarié choisissant en quelque sorte et de manière unilatérale d’être licencié. Il était par ailleurs indéniable qu’une telle jurisprudence, si elle perdurait, pouvait engendrer certaines pratiques critiquables, notamment au regard du régime des allocations chômage. Elle est désormais caduque.

408 Depuis ses arrêts de 2003, la Cour de cassation estime que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat en raison de faits qu’il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoquaient la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission. Rendues sous le visa des articles L.122-4, L.122-13 et L.122-14-3 du code du travail1046, ces décisions restituent donc aux juges du fond le pouvoir d’apprécier la cause réelle et sérieuse de la rupture. Ils devront ainsi vérifier la réalité des faits reprochés et décider si, eu égard à leur gravité, les faits dénoncés par le salarié produisent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, dans le cas contraire, ceux d’une démission.

Au regard de l’analyse de la volonté du salarié, la prise d’acte appelle ainsi deux lectures. La première porte sur la nature de la prise d’acte. Elle permet de constater que ce mode de rupture du contrat de travail met certainement en relief un accroissement du pouvoir de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail lorsque l’employeur ne remplit pas ses obligations (A). L’initiative de la rupture lui appartient. La prise d’acte de la rupture pallie en quelque sorte l’insuffisance ou la déloyauté de l’employeur. Toutefois, sous un autre angle de lecture, celui des effets de la prise d’acte, il faut bien relever que celle-ci engendre une réelle prise de risque pour le salarié, dont il doit avoir conscience dès le moment de l’accomplissement de l’acte (B).

Notes
1043.

P-Y Verkindt, TPS 2002 comm.370.

1044.

Cass.Soc. 26/09/2002, Bull.civ .V n° 284.

1045.

J-E Ray, « Le droit à l’autolicenciement » , Liais. Soc. magasine Janvier 2003 p 52 et 53. G.Couturier , Sem. Soc. Lamy 22/10/2003 n° 1119. G.Couturier et J-E Ray, «Autolicenciement , décision et revirement »,Dr. Soc. 2003 p 817 et suiv.

1046.

Devenus respectivement les articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail.