Section 1 : La résiliation conventionnelle : de la suspicion à la faveur

422 Quelle que soit sa dénomination en droit du travail, la résiliation amiable ou résiliation conventionnelle1081 a pour objet de réaliser la rupture du contrat de travail par accord de volontés des parties et « d’ organiser les conditions de la cessation de leurs relations de travail » 1082 . Il s’agit donc d’un mode de rupture du contrat autonome, distinct des résiliations unilatérales sur initiatives de l’employeur et du salarié, plus communément qualifiées de licenciement et démission.

C’est l’article 1134 alinéa 2 du code civil qui autorise classiquement la révocation d’une convention légalement formée par consentement mutuel ou pour les causes d’extinction que la loi autorise.

Toutefois, en droit du travail, ce mode de rupture, peu usité du moins jusqu’à présent, a suscité et suscite sans doute encore, des réserves.

423 La résiliation conventionnelle du contrat de travail est, en effet, suspectée d’un relent de fraude, voire de renoncement au droit du licenciement.Quel est l’intérêt d’une rupture commune du contrat de travail alors que chaque partie possède en propre une faculté de résiliation unilatérale réglementée par la loi ?Si le salarié a réellement la volonté de mettre fin à son contrat de travail, la démission semble être le mode de résiliation le plus représentatif de cette volonté1083. Dès lors qu’il n’exerce pas son droit à démission, c’estdoncqu’il estime soit que l’initiative de la rupture n’est pas de son fait, soit que son « intérêt » est de s’entendre d’un commun accord avec son employeursur le principe et les modalités de la rupture, notamment les conditions financières.L’employeur, quant à lui, a un intérêt plus visible et certain à la rupture d’un commun accord, en particulier pour éviter l’application des règles et procédures fort contraignantes du licenciement. On le voit, la cause de l’acceptation de chacune des parties va donc au-delà de l’acceptation de l’autre. Chacune doit avoir un intérêt particulier à accepter ce mode de rupture autonome, de préférence au licenciement et à la démission. Cet intérêt est à l’évidence dans une contrepartie consensuelle que la rupture d’un commun accord au sens de l’article 1134 du code civil ne prévoit pas. En revanche, le nouveau dispositif de la loi du 25 juin 20081084 a parfaitement pris en compte cet aspect indemnitaire, en ouvrant droit, de surcroît, aux allocations chômage1085. De sorte que le salarié paraît avoir, désormais, un intérêt certain à vouloir recourir à la rupture conventionnelle de son contrat.

424 En outre, la résiliation conventionnelle du contrat de travail nécessite de veiller avec soin à la qualité des consentements, en raison d’une part de la radicalité de ses effets juridiques, et d’autre part de la subordination qui irradie la relation individuelle de travail et rend suspecte l’idée d’une volonté commune des parties de rompre le contrat. Cette volonté doit donc être sécurisée. C’est cette approche qui a été privilégiée par les signataires de l’ANI du 11 janvier 2008 et par le législateur, en instaurant la rupture conventionnelle du contrat de travail. Ainsi, la loi du 25 juin 2008 prévoit-elle un régime spécifique à cette rupture, dans le cadre d’une procédure destinée à garantir la liberté de consentement des parties.

On le voit, si par le passé le droit du travail, et en particulier la jurisprudence, n’ont pas manifesté une opposition formelle à la résiliation conventionnelle puisqu’ils lui ont reconnu progressivement un champ d’application, tout en sauvegardant les règles essentielles de protection (§1), l’institutionnalisation récente de la rupture conventionnelle dans le code du travail1086 par la loi du 25 juin 2008 pourrait bien développer ce mode autonome de rupture. En effet, ce nouveau dispositif intègre, désormais, des éléments de sécurisation qui répondent aux principales critiques antérieurement exprimées à l’encontre de la rupture amiable « classique » (§2). Mais cela exclut-il désormais tout doute quant à la volonté exprimée par le salarié?

Notes
1081.

Il s’agit des expressions les plus communément employées. Mais, d’autres terminologies sont utilisées : résiliation amiable, résolution amiable, révocation amiable, renonciation d’un commun accord,…

1082.

Arrêt Purier préc.

1083.

Sachant, par ailleurs, que la résiliation conventionnelle « classique » et la démission ne génèrent en principe ni l’une ni l’autre des droits à indemnisation chômage.

1084.

En effet, la rupture conventionnelle issue de la Loi du 25 juin 2008 a un avantage certain par rapport à la rupture d’un commun accord classique : celui de prévoir obligatoirement le bénéfice d’une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement qui suit le régime fiscal et social des indemnités de rupture en matière de licenciement (sauf pour les salariés qui sont en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire). A cela, s’ajoute le droit à indemnisation chômage (v. infra § 2).

1085.

On verra qu’il en est de même, s’agissant des résiliations amiables pour motif économique. V. infra §1A).

1086.

Art. L.1237-11 à L.1237-16 du code du travail.