457 En dépit d’une certaine défiance du droit du travail,1174 la licéité de principe de la transaction est néanmoins admise par la jurisprudence depuis 19531175. Une transaction peut ainsi être conclue entre un salarié et un employeur. Le droit du travail faisant application de l’article 2044 du code civil, il est intéressant de se demander comment il accueille la volonté du salarié au travers de l’application de ce texte.
La transaction représente, en effet, un acte de puissance des volontés privées. Au demeurant, ce n’est que progressivement que l’accord transactionnel a suscité l’intérêt des auteurs et la vigilance des juges. En effet, l’attention des juristes s’est longtemps focalisée sur les effets juridiques du reçu pour solde de tout compte, délaissant l’accord transactionnel. Ce n’est qu’au début des années 19801176 que la tendance s’est quasiment inversée au profit de la transaction, alors que le reçu pour solde de tout compte se réduisait à une peau de chagrin1177. Quoiqu’il en soit, on perçoit un mouvement vers la transaction qui pourrait traduire un renforcement de la place accordée aux volontés des parties, en particulier celle du salarié dans l’aménagement des rapports de droit.
La transaction est un contrat de type synallagmatique à caractère abdicatif 1178, dont l’objet principal, on le sait, est de mettre fin conventionnellement à une contestation née ou de prévenir une contestation à naître. En droit du travail, il s’agira de régler un différend né de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail1179, généralement un licenciement. Dans cette dernière hypothèse, la plus courante, la rupture du contrat doit être un fait acquis, les parties vont transiger pour mettre un terme à une situation litigieuse née de cette rupture ou de ses effets. A cette fin, elles vont convenir de concessions réciproques. La cause de l’engagement de chacune des parties se trouve dans les concessions de l’autre . Dès lors, chaque partie doit exprimer une volonté traduisant une double intention: la volonté de mettre fin à un litige (§1) et la volonté de renoncer à un droit contre des concessions (§2).
On devine aisément qu’un acte juridique de cette puissance ne peut être laissé à l’entière disposition des parties au contrat de travail, sans un contrôle rigoureux du juge.
En particulier des auteurs tels que H.Blaise Dr. Soc.1980 p 40 ; G-H Camerlynck, « Le contrat de travail», 2ème Ed. D. 1982, n°675 et suiv., n° 683 et suiv. ; G. Lyon-Caen, « Le salaire », 2ème éd, Dalloz 1981,p 481 et suiv. ; A.Supiot « Les juridictions du travail », Dalloz 1987, p 473 et 474.
Cass.Soc. 18/05/1953, Dr. Soc. 1953 p 602.
V. numéro spécial Dr. Soc.1981, n°3 « La crise du droit du licenciement », notamment art. J.Pélissier p 228.
Sans retracer dans le détail la génèse du solde de tout compte, rappelons qu’avant la parution de la loi dite de modernisation sociale du 17/01/2002, le reçu pour solde de tout compte était considéré, à la différence de la transaction qui est une convention, comme un acte unilatéral du salarié comportant, dans certaines conditions, renonciation du salarié à agir contre son employeur. Né de la pratique, il avait été peu à peu encadré par une réglementation protectrice destinée à protéger le salarié contre les dangers d’une renonciation unilatérale dont il supportait seul les conséquences (D. Boulmier « Le reçu pour solde de tout compte : un acte de tous les dangers pour le seul salarié » , Dr. Soc. 1996 p 927).Cette réglementation était regroupée dans l’ancien article L. 122-17 du code du travail. Celui-ci encadrait l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte, lequel demeurait en tout état de cause une simple faculté, en prévoyant d’une part la possibilité pour le salarié de le dénoncer dans un délai de deux mois et d’autre part en subordonnant cette forclusion à des conditions de formes censées garantir que le signataire n’avait pu se méprendre sur la portée du document. Une jurisprudence relativement abondante, portant notamment, sur l’effet libératoire du reçu, avait été, peu à peu, construite, contribuant, sans doute aussi, à la réglementation de la loi de modernisation sociale de 2002. Celle-ci prévoyait ainsi que lorsqu’un reçupour solde de tout compte était délivré etsigné par le salarié à l’employeur, à l’occasion de la résiliation ou de l’expiration de son contrat, il n’avait quela valeur d’un simple reçu des sommes qui y figuraient, était facultatif et sans effet libératoire pour l’employeur. La loi limitait alors la valeur juridique du reçu pour solde de tout compte. Ceci confirmait, en outre, la jurisprudence protectrice développée par la Cour de cassation en faveur des salariés, selon laquelle « la signature d’un reçu pour solde de tout compte par un salarié ne peut valoir renonciation au droit de contester le bien fondé du licenciement ou le niveau des indemnités ». Toutefois, le destin du reçu pour solde de tout compte a été, une fois encore, modifié par la loi du 25 juin 2008. Le nouvel article L.1234-20 du code du travail renoue avec le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte à l’issue d’un délai porté à six mois, mais limité aux sommes qui y sont mentionnées. Ce qui permet le recours du salarié pour toutes les sommes qui ne figurent pas sur le reçu et ce, même si aucune dénonciation n’est opérée. On se trouve dans une situation différente de celle antérieure à la loi de 2002 mais dans le prolongement de la loi de 2002. L’intérêt de conclure une transaction paraît peu affecté par les règles relatives au reçu pour solde de tout compte.
Y. Seillan , « L’acte abdicatif » RTD civ. 1966 p 687 et suiv. -
C’est ainsi qu’une transaction peut faire suite à une décision de licenciement, ou à une démission, voire une mise à la retraite ou un départ en retraite. Même si elle est moins fréquente dans les faits, la transaction peut intervenir pour régler un litige né en cours d’exécution du contrat de travail ( Cass. Soc 10/03/98, Bull.civ V n° 131 ).