Seconde partie
La confrontation de la volonté du salarié au pouvoir de l’employeur

473 L’originalité du rôle de la volonté du salarié dans le rapport d’emploi tient fondamentalement à la double nature de celui-ci. Fondé sur l’acte bilatéral voulu par les parties, le rapport d’emploi ne se résume pourtant pas à sa dimension purement contractuelle. Il a aussi pour effet de placer le salarié dans une situation non contractuelle, de type «institutionnel»1210. De par cet état, le salarié bénéficie du statut social protecteur attaché à sa qualité de salarié, mais il se trouve également soumis aux pouvoirs que l’ordre juridique reconnaît à l’employeur.

Or, tout pouvoir contrecarre nécessairement l’autodétermination de celui qui le subit, en raison de la contrainte qu’il exerce sur la volonté d’autrui. Dès lors, comment concilier, chez un même sujet de droit, l’existence d’une volonté libre et un état de dépendance à la volonté d’un autre? Tel est le dilemme de la volonté du salarié confrontée au pouvoir de l’employeur.

Dans un premier temps, on s’attachera à mesurer le degré d’emprise du pouvoir sur la volonté du salarié (Titre I), après avoir tenté de définir les fondements et caractéristiques du pouvoir de l’employeur. Il conviendra de repérer les signes patents de la soumission de la volonté du salarié mais aussi ses limites. Le droit ne peut légitimer la soumission sans bornes d’une personne physique à l’égard d’une personne détentrice d’un pouvoir privé. Il agit donc directement sur le pouvoir de l’employeur. Ainsi, certains mécanismes correcteurs du rapport de pouvoir contribuent-ils au cantonnement de celui-ci. Au pouvoir discrétionnaire de l’employeur se substitue un pouvoir fonctionnel et régulé par le droit. Toutefois, ces mécanismes juridiques apparaissent le plus souvent comme des substituts de la volonté du salarié, absente ou empêchée, mais en aucun cas, comme un moyen de garantir son ancrage sur le territoire du pouvoir patronal.

Cependant, n’existe-t-il pas des voies favorables à une émancipation de la volonté du salarié (Titre II) ?Plusieurs directions méritent alors d’être empruntées qui révèlent, semble-t-il, de réelles opportunités et surtout, des signes forts en faveur de la reconnaissance d’une capacité objective de choix et d’action du salarié.

De telles perspectives invitent à ouvrir davantage encore la réflexion, en s’attachant à identifier la place de la volonté individuelle du salarié dans les droits collectifs (Titre III). En effet, ceux-ci constituent historiquement l’une des pierres angulaires de la défense des salariés face au pouvoir patronal. Peut-on observer aujourd’hui, au sein même des droits collectifs, une majoration de l’expression de la volonté du salarié ? Plus précisément, une nouvelle perception du rôle de la volonté du salarié, comme membre du groupe, est-elle en train de voir le jour ?

Notes
1210.

V. A. Jeammaud, M. Le Friant, A. Lyon – Caen, chr. préc. « L’ordonnancement des relations de travail», p 362.