Titre I : Le degré d’emprise du pouvoir sur la volonté

474 Aucune société ne peut exister sans la subordination de certains de ses membres à d’autres, sans commandement et obéissance, sans que des personnes se trouvent investies de la faculté d’édicter des normes et de prendre des décisions. Le droit du travail est largement lié à ce phénomène fondamental qu’est le pouvoir social1211. Il est indéniable que la relation de travail salarié est une relation asymétrique entre deux personnes, dont l’une possède la capacité d’agir sur les actions de l’autre. Or, le pouvoir d’une personne privée sur une autre perturbe fondamentalement le principe d’égalité reconnu par notre droit républicain. Le droit intervient donc à la fois pour reconnaître, réguler ou limiter le pouvoir de l’employeur tout en s’efforçant de maintenir des espaces de liberté et d’expression de la volonté de celui qui est soumis à un tel pouvoir. Mais quelle est la nature de ce pouvoir? De quelle manière le droit du travail saisit-il la notion de pouvoir lorsqu’on la rattache à l’employeur? Autant de questions souvent discutées, sur lesquelles un bref retour s’impose (Chapitre préliminaire).

On pourra mesurer ensuite l’influence du pouvoir de l’employeur sur la volonté du salarié. Le pouvoir génère, à l’évidence, une réduction de la volonté d’autrui, de sa capacité d’action ; il se traduit ici par la soumission de la volonté du salarié qui le subit (Chapitre 1). Cependant des limites sont posées à cette soumission, des pôles sont soustraits à l’influence du pouvoir patronal, d’où la nécessité d’évaluer le degré d’autonomie ou de sujétion que l’ordre juridique accorde à la volonté du salarié sur le territoire d’exercice du pouvoir.

Au surplus, de véritables mécanismes correcteurs du rapport de pouvoir sont mis en place par le droit (Chapitre 2). Leur objectif est d’insuffler du raisonnable dans la prégnance du pouvoir, qu’il s’agisse d’en atténuer l’unilatéralisme et le caractère éventuellement discrétionnaire par l’imposition d’exigences procédurales, ou de mettre en place des mécanismes collectifs susceptibles de jouer un rôle de soutien de la volonté individuelle face au pouvoir. Pour autant, la soumission de la volonté du salarié au pouvoir de l’employeur ne disparaît pas. Son exercice est simplement objectivé pour devenir plus acceptable et tolérable.

Notes
1211.

Otto Kahn-Freund, Labour and the Law, 3ème ed (par P.Davies et M.Freedland), London, Sweet and Maxwell Ltd, 1983.