585 « La procédure est au pouvoir ce que l’accord de volonté est au contrat » 1473. A telle enseigne, précise l’auteur de cette appréciation, que les règles de procédure sont susceptibles de retentir sur la validité même de la décision unilatérale en cause. Elles ne sont donc pas de simples conditions de forme, comme l’utilisation courante du terme procédure pourrait d’emblée le laisser penser.
Il convient de s’arrêter précisément sur les différentes significations que recouvre ce terme. Techniquement, la procédure a un sens bien connu, lorsqu’elle est envisagée en rapport avec un procès, un litige ; elle renvoie aux actes de procédures, c’est à dire aux actes dont les effets se font ressentir sur le déroulement de l’instance1474. Mais elle contient aussi d’autres occurrences. Elle peut recouvrer alors « les règles qui gouvernent la production et ainsi, l’accès à la vie juridique d’un acte (au sens de negotium) » 1475 , en particulier les actes unilatéraux. Ceci amène Madame E.Lafuma1476, à soutenir qu’il existe une affiliation entre la procédure et l’exercice d’un pouvoir, celle-ci étant alors définie comme un ensemble de règles destinées à organiser l’élaboration d’une décision. C’est ce sens précis que nous retiendrons ici.
En outre, la notion de procédure doit être distinguée, ce qui n’est pas toujours le cas, du formalisme ou des formalités. Sont généralement considérées comme des manifestations du formalisme, l’ensemble des démarches qui s’ajoutent à l’expression de la volonté et conditionnent son efficacité1477. Or, précisément, si le formalisme soutient la manifestation de la volonté contractuelle, jusqu’à parfois même s’imbriquer avec elle, la procédure relève ici d’une autre logique : celle de la légitimation de l’acte unilatéral du pouvoir. Elle apparaît comme un ensemble de règles qui organisent et encadrent la prise de décision de l’employeur. La procédure circonscrit ainsi le domaine d’exercice du pouvoir en imposant à son détenteur l’exécution préalable d’un certain nombre d’actions.
586 On observe que les règles de procédure sont de nature différente selon la finalité de la décision ou de l’acte unilatéral de l’employeur. Lorsque la mesure envisagée par l’employeur concerne potentiellement l’intérêt collectif de la communauté du personnel, la procédure est collective (§1). En revanche, si l’acte en cause touche l’intérêt individuel d’un salarié identifié, la procédure est alors individuelle (§2). Chacune de ces procédures n’est d’ailleurs pas exclusive de l’autre, puisqu’une décision envisagée par l’employeur peut avoir un impact à la fois sur l’ensemble de la collectivité de travail et sur chacun de ses membres pris individuellement. Dans ce cas, les procédures se succèdent en partant du collectif vers l’individuel1478. Au surplus, viennent se greffer à ces règles procédurales collectives et/ou individuelles, d’autres exigences de procédures répondant à un intérêt général, telles que l’autorisation préalable ou la communication des décisions aux autorités administratives compétentes.
On s’efforcera donc de mesurer l’impact de la pratique procédurale sur les manifestations du pouvoir de l’employeur, en particulier sa capacité réelle à servir de substitut de la volonté du salarié. Ce faisant, on recherchera si cette volonté, en principe absente du territoire du pouvoir, ne peut pas trouver, telle une source que l’on croyait tarie, des chemins détournés pour se manifester.
P. Lokiec, thèse préc. « Contrat et pouvoir ».
X. Lagarde, «Réflexions de civiliste sur la motivation et autres respects de la procédure de licenciement », Dr. Soc. 1998 p 890 et suiv.
A. Lyon-Caen, D.1997 p 171 et suiv., spéc. p 175.
E.Lafuma, thèse « Des procédures internes, contribution à l’étude de la décision de l’employeur en droit du travail » Préface A.Lyon-Caen. LGDJ 2008, notamment p 46 et suiv.
V. notamment, supra Partie 1, Titre 1, Chapitre II,Section 1.
Notamment en matière de licenciement économique (art.L.1233-8 et suiv. nouveaux du code du travail)