Section 2 : Les mécanismes collectifs, soutien de la volonté individuelle

608 Placé dans un rapport hiérarchique d’obéissance, lesalarié se trouve dans une situation défavorable pour s’opposer au pouvoir de l’employeur et défendre seul ses intérêts. Au demeurant, il fait partie d’une collectivité de travailleurs qui partagent des intérêts communs justifiant la recherche d’une unité et d’une cohérence internes. Ainsi, le droit du travail a-t-il adopté une démarche de régulation fondée sur la notion de collectif, grâce à l’idée de représentation. Il a donc opéré une reconnaissance d’acteurs organisationnels investis d’un pouvoir de représentation, dans le cadre d’une mission largement considérée : la défense, selon des moyens d’action divers, des intérêts de la collectivité des salariés saisie en tant que telle, et bénéficiant de droits, c’est à dire de capacités d’action collective. Il s’agit, selon le mot de G. Scelle, de « transformer la lutte individuelle en équilibre collectif »  1516 .

On peut cependant légitimement s’interroger. N’existe-t-il pas un risque de voir les salariés s’effacer derrière leurs représentants ? Ce qui, loin de préserver la volonté individuelle du salarié, aurait au contraire pour effet de la diluer dans le collectif. En réalité « la représentation des salariés ne peut se détacher entièrement, semble – t-il, du salarié comme sujet individuel, 1517  » préservant ainsi la part d’expression de la volonté de chaque sujet. Ceci, nous le verrons,1518 transparaît particulièrement à travers la reconnaissance de droits individuels d’exercice collectif.

609 Mais, à ce stade de l’étude, c’est sur les mécanismes collectifs susceptibles de jouer un rôle de soutien de la volonté individuelle du salarié qu’il convient de porter l’attention. Autrement dit, il s’agira de rendre compte de la manière dont ces mécanismes peuvent venir en renfort de la volonté individuelle, et non pas de la manière dont cette dernière peut s’exprimer au sein du collectif. On examinera donc, tout d’abord, l’action syndicale de substitution. Ce dispositif légal autorise, en effet, un syndicat 1519 à exercer une action individuelle au lieu et place d’un salarié. Il conviendra de s’interroger sur la place assignée à la volonté du salarié dans ce mécanisme  particulier (§1). En outre, le salarié peut recourir librement à la médiation des représentants élus du personnel, en particulier des délégués du personnel. Cette liberté d’initiative augure-t-elle une dépossession ou un renforcement de sa volonté dans l’action poursuivie (§2) ?

On le pressent, l’intérêt et la portée de ces mécanismes collectifs à l’égard de la prise en considération de la volonté du salarié dépendent largement des limites et des espaces que le droit leur concède.

Notes
1516.

G.Scelle, « Précis de législation industrielle », Sirey 1927 p 350.

1517.

G. Borenfreund , «La représentation et l’idée de représentation », Dr. Soc. sept/oct 1991 p 685 et suiv.

1518.

V. infra Partie II, Titre III, Chapitre I.

1519.

Il s’agit d’un syndicat représentatif dans l’entreprise. On peut se demander si la représentativité exigée doit être nécessairement effective ( A. Supiot,«  La protection du droit d’agir en justice », Dr. Soc.1985 p 774 et suiv. ) ou peut résulter de l’affiliation à un syndicat national représentatif . Si l’interprétation exégétique du texte est favorable à la première solution, l’extension de la notion de représentativité, que rien ne contredit expressément, penche en faveur de la seconde .