634 A l’évidence, l’essor contemporain des prérogatives accordées au salarié ne recouvre ni des objets similaires ni des finalités identiques. En effet, il faut distinguer celles qui permettent au salarié, sous certaines conditions, de sortir temporairement du lien de subordination et celles qui lui offrent une voie d’autonomie dans la subordination ou plus précisément dans l’exercice du travail soumis au contrôle du pouvoir patronal. Ce sont ces dernières qui retiendront plus spécifiquement l’attention.
Dans la première catégorie citée, le salarié s’affranchit temporairement de la subordination, généralement par la suspension de son contrat de travail. On songe ici aux congés spéciaux qui autorisent le travailleur à quitter momentanément l’entreprise pour se consacrer à des activités privées1576ou professionnelles 1577 ou encore à des missions d’intérêt général1578. Ces prérogatives contribuent certes à majorer les espaces de liberté et d’indépendance de chaque salarié, en lui laissant une certaine maîtrise de sa vie professionnelle pour faire place à d’autres types d’engagements. La finalité est bien ici à dominante individuelle. Dès lors que le salarié remplit les conditions diverses pour exercer la prérogative en cause, il est libre ou non de l’utiliser. Sa volonté se manifestera dans la décision d’exercer ou non le droit qui lui est reconnu. Pour autant, cette catégorie de prérogatives ne vise pas le renforcement de la capacité volitive du salarié au cours de l’exécution de son travail, mais lui laisse l’option d’entrer ou non dans telle ou telle voie, en suspendant son contrat de travail. En quelque sorte, l’autonomie nouvelle accordée au salarié ne peut se réaliser qu’en dehors du contrat de travail, en sortant temporairement du lien de subordination et de l’emprise du pouvoir patronal.
635 L’autre catégorie de prérogatives individuelles procède d’une finalité toute différente. Celles-ci ne consistent pas à faire sortir le salarié du lien de subordination, en le dégageant même temporairement du contrat de travail, mais à « neutraliser » en quelque sorte le lien de subordination, sur l’initiative du salarié, pendant le temps et sur son lieu de travail. Certes, les droits individuels visés sont des prérogatives conditionnées par la loi, c’est à dire assujetties à diverses conditions objectives ou circonstances justificatives, mais ils sont laissés à la seule initiative du salarié au cours de l’exécution de son travail, alors qu’il doit, par principe, se « conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » 1579 . On retrouve ici l’hypothèse de départ : identifier un mouvement d’émancipation juridique de la volonté du salarié dans l’exécution du travail. La « neutralisation » de la subordination ouvre sur un espace de choix propre au salarié, au sein même du régime du pouvoir patronal.
Pour une meilleure appréhension du phénomène, on distinguera selon que ces prérogatives individuelles visent à créer un espace d’autonomie du salarié dans l’organisation de l’activité productive (Section 1) ou dans l’exécution personnelle du travail (Section 2), sans se dissimuler l’imperfection de cette classification qui tient à l'interpénétration inévitable entre ces deux catégories. Au fond, la finalité poursuivie consiste à rechercher si le salarié peut devenir initiateur et décideur de certaines conditions de réalisation de son travail, acteur de son propre destin professionnel et personnel.
On évoquera ainsi le congé parental d’éducation (art.L.1225-47 et suiv. remplaçant les anciens art.L.122-28-1 et suiv. du code du travail ), le congé sabbatique (art. L.3142-91 et suiv. remplaçant les anciens art. L.122-32-17 et suiv.), le congé et la période de travail à temps partiel, pour la création ou la reprise d’entreprise (art.L.3142-78 et suiv. remplaçant les anciens art L. 122-32-22 et suiv. du code du travail ).
Ainsi, en est-il du congé pour la création ou la reprise d’entreprise (art. L .3142-78 et suiv.. du code du travail ), du congé de formation (art.L.6322-1 et suiv. remplaçant les anciens art. L. 931-1 et suiv. du code du travail ).
On songe ici aux congés pour exercer un mandat parlementaire ou local ( art.L.3142-56 et suiv. remplaçant les anciens art. L.122-24-1 et suiv. du code du travail ), ou un mandat associatif (art.L.3142-51 remplaçant l’ancien art. L.225-8 du code du travail ), ou au congé de solidarité internationale (art. L.3142-32 et suiv. remplaçant les anciens art. L.225-9 et suiv. du code du travail ), etc..
Cette reprise partielle de la définition de la durée du travail effectif traduit in fine celle du temps de subordination (art.L.3121-1 remplaçant l’ancien art.L.212-4 al 1 du code du travail ).