Section 2 : La dignité de l’homme dans le travail

718 L’histoire du respect de la dignité humaine, principe éthique, se confond avec celle des conceptions philosophiques et religieuses de l’Humanité. « Quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain » 1829 . Cette exigence a été progressivement reconnue à mesure que s’affirmaient les civilisations. La dignité vient du latin « dignitas » et s’entend comme une fonction, un titre ou une charge, qui donne à quelqu’un un rang éminent dans la société. Ainsi, la dignité désignait-elle dans le vocabulaire médiéval une corporation par succession, qui ne se déployait pas dans l’espace, mais dans le temps1830. Mais elle fût surtout utilisée pour qualifier la fonction royale avant de se « démocratiser » chez les premiers humanistes de la Renaissance. Dès lors, s’ajoute un autre aspect, centré sur l’homme en soi, et que l’on pourrait exprimer comme « le respect qu’il mérite » 1831. La dignité est à rechercher dans l’humanité même de la personne, au-delà de sa condition sociale et de son rang. « C’est donc quand je ne suis plus rien, que je deviens vraiment un homme » 1832 .

719 Toutefois, si la dignité humaine était reconnue comme une exigence morale, il a fallu attendre les années qui suivirent la seconde guerre mondiale et les horreurs du régime nazi1833 pour que le concept de « dignité »  de la personne humaine fasse son apparition sur la scène du droit positif. Sans doute, le bilan tragique de la déshumanisation organisée et planifiée par les systèmes concentrationnaires et exterminateurs conçus par l’homme pour son semblable, fût-il à l’origine d’une prise de conscience collective, de « l’idée d’une tâche confiée à l’homme, celle de devenir d’abord humain et ensuite quelqu’un » 1834

Concept en plénitude, intégré dans le bloc de constitutionnalité, ladignité de la personne humaine s’inscrit aujourd’hui aussi dans la lettre de nos codes et dans les décisions du juge (§1). Mais ce concept est-il apte à défendre la valeur de la personne humaine du salarié et le respect de sa volonté propre, afin de s’opposer à certaines dérives du pouvoir de l’employeur dans le rapport d’emploi (§2) ?

Notes
1829.

P.Ricoeur, « Du texte à l’action ». Seuil 1986.

1830.

A.Supiot, op.préc. « Homo juridicus », p 61.

1831.

Dictionnaire Le petit Robert  .

1832.

Sophocle, « Œdipe Roi », Le livre de poche 1996.

1833.

La constitution fédérale d’Allemagne du 23 mai 1949 n’est-elle pas le premier texte à consacrer l’intangibilité de la dignité de l’être humain. ? V. H. Roland, L. Boyer, traité préc. «  Introduction au droit » p 435.

1834.

J.Arènes et N.Sarthou- Lajus, «  La défaite de la volonté », Seuil mars 2005.