§ 1- La liberté d’adhérer au syndicat de son choix

740 L’appartenance à un syndicat dépend uniquement de la volonté de l’intéressé1879, ce qui nécessite une exigence d’intégrité et plus spécifiquement de liberté de la volonté. L’adhésion du salarié doit être libre et exclusive de pressions. Traditionnellement, deux pratiques sont considérées comme portant atteinte à ces qualités : les conventions dites de « sécurité syndicale »  et la « mise à l’index .» L’une et l’autre sont illicites parce qu’elles mettent en œuvre des moyens de pression touchant à l’emploi des salariés et portent ainsi atteinte à la liberté syndicale.

Mais, c’est sur un autre registre que le droit du travail a concentré ses efforts en vue de défendre et protéger la liberté du salarié d’adhérer au syndicat de son choix. En effet, les pressions les plus fréquentes proviennent généralement de l’employeur et visent à pénaliser le salarié qui fait le choix d’adhérer ou de participer à l’action syndicale dans l’entreprise. Ainsi, le législateur1880 interdit-il à l’employeur toute discrimination fondée sur la prise en considération de l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions de quelle que nature qu’elles soient. En outre, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses activités syndicales. Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit1881. De même, aucune limitation à l’exercice du droit syndical ne peut être apportée par note de service ou décision unilatérale de l’employeur1882.

Ce dispositif législatif garantissant l’exercice normal de la liberté syndicale est complété par des mesures spécifiques relatives à la protection des délégués syndicaux contre le licenciement1883. La protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans leur seul intérêt, mais dans celui de l’ensemble des salariés1884. Ces mesures d’ordre public ne sont donc pas exclusivement destinées à préserver le choix et l’engagement syndical individuel mais surtout à garantir le libre exercice dans l’entreprise d’une liberté fondamentale.

741 Au demeurant, l’affiliation au syndicat professionnel de son choix ne comporte pas de conditions trop contraignantes. La première est bien sûr l’adhésion volontaire du salarié. Généralement, celle-ci est extériorisée par la souscription d’un bulletin d’adhésion, voire parfois d’un droit d’entrée. De surcroît, l’adhésion déclenche un certain nombre d’obligations librement consenties par le salarié, qui sont la contrepartie de son engagement volontaire. Ainsi existe-t-il une obligation générale de loyauté des adhérents à l’égard du groupement, une certaine discipline syndicale1885 nécessaire à la solidarité et à l’exercice éventuel d’actions communes et une contribution aux différentes activités développées par le syndicat, notamment dans le cadre des élections professionnelles1886. L’adhésion volontaire emporte aussi une obligation de participer à son financement par le versement de cotisations1887. On le comprend, l’acte volontaire d’adhésion constitue une manifestation juridique de l’assentiment du salarié à une organisation syndicale et à son action.

Si la liberté syndicale implique la liberté d’adhérer au syndicat de son choix, elle emporte inversement la liberté de ne pas adhérer à un syndicat ou de s’en retirer.

Notes
1879.

Ce que rappellent les statuts de nombreux syndicats.

1880.

Art. L.2141-5 du code du travail (ancien art. L.412-2 al.1) .

1881.

Art.L.1132-1 du code du travail (ancien art.L.122-45al.1).

1882.

Art. L.2141-10 al.2 du code du travail (ancien L. 412-21).

1883.

Art. L.2411-3 du code du travail (ancien art.L.412-18). Ce nouvel article est désormais intégré dans le livre 4ème du nouveau code « Les salariés protégés », titre 1er « Cas, durées et périodes de protection », Chapitre 1er « Protection en cas de licenciement ».

1884.

V. notamment Cass.soc. 16/03/2005, arrêt préc.

1885.

La discipline syndicale peut entraîner le droit pour les dirigeants syndicaux de prendre à l’encontre des membres qui la ne respecteraient pas, des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion (sous réserve de la licité des directives prescrites). Celles-ci sont en général prévues par les statuts.

1886.

V. infra Chapitre II, Section 1.

1887.

V. L. Nagy, «  Statut juridique des syndicats »,in Etudes du droit du travail offertes à A Brun, p 395 et suiv. Librairie sociale et économique 1976.