748 La titularité individuelle du droit de grève, telle que la conçoit le droit du travail français, exclut l’existence d’un droit syndical de la grève1906 ou d’un droit de la majorité du personnel1907. Elle laisse en conséquence une large place à la spontanéité de l’action, exception faite du régime applicable dans les services publics1908, et à la détermination personnelle de chaque salarié. Celui-ci dispose donc de toute latitude pour utiliser ou non son droit de grève. Pour ce faire, il doit prendre une décision personnelle qui l’engage non seulement à l’égard de la collectivité du personnel à laquelle il appartient, mais au regard des effets de la grève sur son contrat de travail. En outre, la décision individuelle de chaque salarié doit être causée, c’est à dire prise strictement en vue d’une cessation collective et concertée du travail destinée à défendre et appuyer des revendications professionnelles (A). A cet effet, le salarié bénéficie d’une liberté de détermination (B). Pour autant, face à la nécessité de sauvegarder l’intérêt général ou de préserver d’autres droits et libertés, le droit de grève des salariés peut subir des limitations nécessaires, sous le contrôle du juge, sous réserve que ne lui soit pas portée une atteinte disproportionnée.
Comme cela est le cas dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis (X. Blanc - Jouvan «Les rapports collectifs de travail aux Etats –unis », D. 1957) ou au Canada (J.Bernier « Le nouveau régime juridique des rapports de travail au Québec », Annales de l’Institut d’Etudes du travail et de la Sécurité sociale, 1977-78 p 7) mais également en Grande Bretagne, en Allemagne, en Autriche et dans les pays scandinaves tels que la Suède, la Norvège, le Danemark ( J-M Belorgey « Gestion des conflits du travail en Europe, le choc des cultures », Dr. Soc. 2002, p 1125).
V. sur ce sujet, N.Olszack (« Alexandre Millerand et l’organisation de la grève », Mélanges H. Sinay 1993 p 135). L’auteur analyse les projets développés en son temps par A.Millerand en vue d’associer le déclenchement d’une grève à un vote régulier du personnel. Au demeurant, l’article 6 de la loi n°2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, soumis au contrôle du Conseil Constitutionnel qui l’a déclaré conforme, n’est pas sans rappeler cette conception revisitée de la grève, par l’introduction d’une consultation des salariés . V.infra Chapitre II, Section 2, §1 B 2.
En effet, dans les services publics, une initiative d’un syndicat représentatif est requise par la loi. La cessation concertée du travail est précédée d’un préavis qui émane d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé. Il précise les motifs de recours à la grève et doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique. Il mentionne en outre le champ géographique, l’heure de début et la durée limitée ou non, de la grève envisagée. Pendant la durée de préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier (art. L.2512-2 du code du travail).