Chapitre 2 : Le renforcement des prérogatives du salarié, membre du groupe

766 La notion de groupe retenue ici1965 est celle d’un ensemble d’individus qui partagent une même condition ou les mêmes opinions1966, souvent aussi certains intérêts. L’idée de partage laisse entendre que les personnes qui composent le groupe sont unies par des liens communs, formant parfois un véritable creuset identitaire.

Historiquement, les travailleurs ont pris conscience qu’ils formaient une collectivité, à raison de leurs conditions de travail, leur mode de vie et leurs aspirations propres qui les séparaient du reste de la société, créant entre eux une solidarité d’intérêts. Cette solidarité s’est d’abord exprimée par l’action collective, lors de conflits du travail. Après une période de reconnaissance implicite, le droit du travail a pris acte du fait que la collectivité des salariés représentait une entité en soi1967, en marge des relations individuelles, et que celle-ci pouvait utilement servir à réguler les rapports économiques et sociaux saisis dans leur quotidienneté, avec une représentation propre et une participation à la vie de l’entreprise.

767 Dans la logique individualiste et libérale du droit français, la collectivité du personnel est saisie à travers le prisme des volontés individuelles des salariés la composant mais elle n’a une existence véritable que grâce aux représentants que ceux-ci désignent. « Tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective de ses conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » 1968 . A cet égard, l’idée de participation du salarié recouvre au moins deux acceptions. La première est synonyme d’association, telle que la participation aux résultats de l’entreprise1969. Le droit français offre d’ailleurs une grande variété de solutions pour associer collectivement les salariés aux résultats de l’entreprise1970. La seconde acception du terme « participation » sur laquelle se portera la réflexion, est celle de lien social unissant les membres d’une même communauté.

Dans cette optique, on s’interrogera d’abord sur le rôle de la volonté individuelle des salariés dans la consolidation du lien collectif (Section 1). L’objectif poursuivi ici est de témoigner de la prise en compte du salarié comme membre à la fois autonome et constitutif d’une collectivité du personnel.

Qui plus est, depuis plusieurs années déjà, la participation directe des salariés dans la détermination collective des conditions de travail et d’emploi paraît s’intensifier. Ainsi, la pratique référendaire, bien que déjà usitée, connaît un développement singulier, notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 complétée et modifiée par la loi du 20 août 2008. Par le référendum, la norme collective cherche à s’enraciner dans les volontés individuelles des salariés, membres de la collectivité. De telles volontés deviennent alors sources de validation de la norme collective (Section 2).

Notes
1965.

Nous excluons donc de notre étude le groupe d’entreprises en tant qu’ensemble économique constitué d’entreprises juridiquement autonomes et indépendantes mais que lient des intérêts notamment financiers. Un tel groupe est généralement formé par une société et ses filiales (Dictionnaire du vocabulaire juridique – Litec 2004).

1966.

Dictionnaire Lexis Larousse de la langue française.

1967.

Sans toutefois lui accorder la personnalité juridique.

1968.

Alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 reprise par celle de 1958.

1969.

V.art. L.3322-1 et suiv. du code du travail (anciens L.442-1 et suiv. ).

1970.

V.le Livre Troisième du nouveau code du travail intitulé « Intéressement, participation et épargne salariale ».