783 Pour affermir le rôle de la volonté des salariés dans la détermination collective des conditions de travail, deux orientations sont envisageables. La première consiste à aménager des capacités d’intervention directes à chaque salarié en tant que membre du groupe2026. La seconde entend favoriser une prise en compte renforcée des volontés individuelles dans la structuration du système institutionnel de représentation des salariés2027. C’est cette dernière option qui prévaut largement dans le droit français, au travers des élections professionnelles et plus spécifiquement de la notion de représentativité syndicale à laquelle est rattaché un certain nombre de prérogatives.
Il n’empêche que la capacité représentative des syndicats2028 soulève de nombreuses interrogations, à telle enseigne que la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, en mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité, s’est efforcée d’instaurer une mesure objective de cette dernière2029. La précédente loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social s’était abstenue d’aborder frontalement le sujet de la représentativité syndicale, même si le lien avec l’introduction du principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs, était déjà loin d’être absent.
Bien que le législateur ne valide en aucune façon une mise en cause de la capacité de la représentation syndicale à édicter des normes, il reconnaît, de façon restrictive et subsidiaire, cette même faculté à d’autres agents, laissant en outre dans certaines situations, une place à l’approbation directe de l’accord conclu par la majorité du personnel consulté. La technique référendaire apparaît donc comme un moyen possible de reconnaissance et de validation de la norme collective. Le recours au référendum n’est pas nouveau en soi mais l’est davantage l’équivalence recherchée par rapport au modèle de représentation traditionnel.
784 On sait que la technique du référendum a été importée du droit public. Celle-ci semble transposer les vertus de la démocratie directe et de la souveraineté populaire2030, dans l’environnement juridique spécifique que constitue l’entreprise2031. Considéré traditionnellement comme un instrument de démocratie semi-directe, le référendum est un système de votation populaire par lequel le corps des citoyens est appelé à exprimer son avis ou sa volonté à l’égard d’une mesure qu’une autre autorité a prise ou envisage de prendre2032. En théorie, on distingue plusieurs types de référendum, la technique est la même mais la signification change2033.
En dépit des critiques formulées à son encontre au sein même des systèmes politiques, la technique référendaire a réussi une percée au sein du droit du travail et y a même progressé, non sans certaines réticences, selon une évolution lente mais constante ( §1). Utilisé désormais pour renforcer la légitimité de certains accords collectifs et revitaliser le dialogue social, le recours à l’approbation directe de la majorité des salariés invite à s’interroger d’abord sur la place de la volonté du salarié, membre du groupe. Mais au-delà, un second aspect mérite d’être examiné, celui des rapports qui se créent entre la volonté individuelle et l’exigence majoritaire qui sous-tend cette technique (§2).
Ce qui relève de l’idée de démocratie participative.
Ce qui revient alors à privilégier la notion de démocratie représentative.
En amont de la loi du 20 août 2008, les limites du système de représentativité en droit français avaient été pointées et avaient fait l’objet de scénarios divers d’évolution. V. en ce sens, le Rapport R.Hadas-Lebel préc.
G. Borenfreund, art. préc.“Syndicats: le défi de l’audience électorale », p 360 et suiv. ; « Le nouveau régime de la représentativité syndicale », p 712 et suiv.
Rappelons que le référendum de nature constitutionnelle s’est surtout développé au cours de la Vème République «Le Président de la République peut soumettre au référendum tout projet de loi portant ….sur des réformes relatives à la politique sociale de la nation et aux services publics qui y concourent » ( art 11 modifié de la Constitution de 1958). La déclaration du 26 août 1789 énonçait déjà, que « la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par l’intermédiaire de leurs représentants, à sa formation ». Au demeurant, s’agissant du recours au référendum dans les entreprises, certains auteurs, dont le professeur B. Gauriau, s’interrogent sur la capacité du personnel d’être doté d’une autonomie au sens étymologique du terme et de devenir « le partenaire social de demain ». («Le référendum, un préalable nécessaire ? », Dr. Soc. 1998 p 338 et suiv. ).
M-A Souriac-Rotschild, « Regards sur le référendum »,Liais. Soc. mensuel décembre 1993 n° 84 p 88 et suiv.
Dictionnaire constitutionnel O.Duhamel, Y Meny. PUF 1992.
Ainsi, Ph.Ardent distingue-t-il : le référendum constituant et le référendum législatif ; le référendum obligatoire et le référendum facultatif ; le référendum de ratification, le référendum consultation et le référendum d’arbitrage (in « Institutions politiques et droit constitutionnel », LGDJ 19ème ed. 2007).