Conclusion de la Partie II

821 Mesurer la place éventuelle de la volonté du salarié sur le terrain du pouvoir de l’employeur était l’enjeu majeur de cette seconde partie. Nous avions d’emblée perçu le paradoxe de l’étude, tant la volonté du salarié, travailleur subordonné, apparaît en retrait face aux pouvoirs reconnus à l’employeur. Or, retrait de la volonté ne signifie pas abdication mais distance. Le salarié ne se départit pas totalement de sa volonté face au pouvoir. En effet, l’emprise du pouvoir de l’employeur subit nécessairement une double limite. D’abord, celle touchant à l’étendue de la soumission du salarié qui ne peut jamais être absolue; ensuite, celle concernant les conditions même d’exercice du pouvoir, son encadrement par le droit.

Au-delà encore, les tendances majeures de l’évolution contemporaine du droit du travail font apparaître un mouvement en faveur d’une certaine émancipation de la volonté du salarié sur le terrain du pouvoir de l’employeur. En premier lieu, la production normative tend de plus en plus à accorder au salarié des prérogatives individuelles dans l’organisation et l’exécution du travail mais aussi à reconnaître des droits collectifs exercés individuellement par chaque salarié en tant que membre de la collectivité du personnel. Ces droits contribuent sans nul doute à majorer la capacité objective de décision et d’action du salarié face au pouvoir de l’employeur. Sous un autre angle, le droit positif recourt de façon plus ferme aux droits fondamentaux et libertés de la personne du salarié au temps et au lieu de travail. Cette nouvelle donnée modifie le rapport subordonné / détenteur du pouvoir, en préservant un espace pour la personne du salarié.

Mais peut-on réellement parler d’émancipation de la volonté du salarié ? Celle-ci est-elle plus apte aujourd’hui qu’hier à produire des effets juridiques opposables à l’employeur ? La réponse ne peut être que nuancée.

822 Les droits nouveaux dont le salarié est titulaire et les capacités originales dont il bénéficie lui permettent, plus qu’auparavant, de s’extraire momentanément du lien de subordination et du pouvoir, même aux temps et lieu de travail. Ce mouvement d’autonomie semble désormais ancré dans le droit du travail. En outre, la volonté du salarié dans les droits collectifs s’affirme plus nettement, ce qui permet une interaction entre les membres d’une même collectivité ayant des intérêts communs et favorise le resserrement les liens de solidarité.

Il reste que l’espace d’émancipation de la volonté du salarié, s’il va croissant, demeure encore modeste. L’exercice des droits individuels du salarié n’est pas sans limites et ne dépend pas toujours de la seule initiative du salarié. Les droits et libertés de la personne sont mis en balance, quant à eux, avec la nécessité de protéger l’intérêt de l’entreprise. Reste aussi que certaines prérogatives accordées au salarié en tant membre du groupe, demeurent circonscrites à des situations ciblées, en raison notamment des enjeux de la négociation collective et du rôle des acteurs collectifs.

Ces réflexions invitent finalement à s’interroger sur l’opportunité de repenser le rôle et la place de la volonté du salarié, non en filigrane de quelques évolutions normatives, mais à l’intérieur d’un véritable projet de valorisation.