1-1-1-2/ Théories de l’attention sélective

Les modèles de traitement de l’information

Broadbent (1958) a mis en avant l’action d’un filtre attentionnel dont l’objectif est d’éviter que le système de traitement ne soit surchargé. Ce modèle repose sur l’idée d’une sélection précoce de l’information en raison de l’existence d’un canal unique de traitement. La capacité limitée du système ne permet pas de traiter l’ensemble des stimulations qui parviennent au registre sensoriel. Le filtre agit comme un entonnoir et ne laisse passer qu’une information à la fois, sans aucune prise en compte des caractéristiques sémantiques des messages. La sélection a lieu entre le registre sensoriel et la mémoire à court terme. Ce processus de filtrage est basé sur les caractéristiques physiques générales de l'information. Le modèle de Broadbent (1958) se limite ainsi à un simple canal n’ayant pas de mécanisme pour diviser l’attention. Selon cette théorie, la sélection simultanée de plusieurs informations induira une division de l’attention et de fait un certain coût. La qualité de traitement de chacun des éléments sera moins efficace que s’il était traité isolément.

Nous pouvons toutefois émettre certaines limites concernant ce modèle. Selon Broadbent (1958), une information filtrée ne peut plus être traitée. Hors, les résultats expérimentaux révèlent une possibilité de traitement mais qui s’inscrirait dans la durée. Un temps est nécessaire pour passer d’une information à l’autre et permettre ainsi à une information momentanément filtrée d’être traitée. Pour cela, il est important que le registre d’informations sensorielles maintienne l’information suffisamment longtemps pour effectuer le second traitement. Le cas échéant, l’information ne sera ni prise en compte ni reconnue.

Une seconde critique concerne l’absence de traitement sémantique avant la sélection de l’information. Les travaux de Moray (1959) avaient montré en situation d’écoute dichotique que des informations sensorielles pouvaient être traitées avant que le mécanisme de filtrage n’intervienne. Un message principal est présenté au sujet à une oreille tandis qu’un message secondaire est présenté à l’autre oreille. Les sujets se sont avérés capables de répéter les messages sur lesquels ils s’étaient focalisés, mais se sont aussi montrés en mesure de rapporter certains éléments concernant le message secondaire. Les premières explications de ce phénomène ont été apportées par Treisman (1960) avec la proposition d’un modèle basé sur l’action d’un filtre atténuateur. Il n’y aurait pas forcément un blocage ou rejet des stimuli inattendus mais l’atténuateur laisserait simplement passer moins de messages. Il distinguerait deux messages sur la base de leurs caractéristiques physiques (l’intensité, le ton, etc.). Les messages non attendus ne seraient pas complètement bloqués par le filtre, ils seraient atténués afin d’être éventuellement perçus ultérieurement (Lemaire, 1999). Ce modèle stipule également que la reconnaissance d’un mot dépend de l’intensité de son seuil d’activation. D’après Treisman (1960), chaque stimulus possède un seuil d’activation1. Pour qu’une information soit prise en compte ou pour qu’elle active une réaction, même minime, son seuil d’activation doit être faible. Ainsi, même une information extérieure au canal regroupant les informations en cours de traitement pourra être traitée. Par ailleurs, notons que le jugement subjectif des sujets est primordial dans le choix de traitement d’une information. Si l’information est considérée comme pertinente elle sera prise en compte et rapidement traitée. En revanche, si elle est jugée comme non pertinente, elle sera atténuée et prise en compte ultérieurement.

D’autres auteurs ont considéré un rôle plus tardif de ce filtre. Le modèle de Deutsch et Deutsch (1963) a situé cette sélection après l’étape de la reconnaissance des formes et avant l’encodage mnésique. Selon ces auteurs, deux messages peuvent être reconnus mais seront rapidement oubliés s’ils ne sont pas importants. Il n’y a pas de sélection précoce des messages, l’attention interviendrait après que tous les stimuli soient entrés dans le système cognitif. C’est au moment où l’information entre en mémoire à court terme, qu’elle fera l’objet d’une sélection afin d’être traitée en profondeur (Lemaire, 1999).

Nous venons ainsi d’expliquer comment les processus attentionnels interviennent dans la sélection et dans le traitement d’une information. Nous allons expliquer comment cette sélection et ce traitement s’effectuent dans des situations où l’attention est partagée entre deux sources d’information.

Notes
1.

Seuil d’activation : quantité minimale d’activation nécessaire pour la prise de conscience d’un stimulus.