1-3-2-4/ Facteurs amplifiant les effets du téléphone portable

Nous venons de voir qu’il est indéniable qu’une conversation téléphonique dégrade les performances de conduite. Cette dégradation s’avère d’autant plus importante lorsque le conducteur s’implique émotionnellement dans la conversation ou que la demande mentale de la part du conducteur augmente (McKnight & McKnight, 1993). En effet, une forte implication de la part du conducteur provoque un retrait important de ressources attentionnelles de l’activité de conduite au profit de la conversation téléphonique. Une conversation engagée sera ainsi pénalisante en termes de sécurité routière (Strayer & Johnston, 2001). Les études mettent également en avant qu’une tâche secondaire (autre qu’une conversation téléphonique) de faible intensité, telle que l’écoute radio, ne présente pas d’incidences sur les performances de conduite (Strayer & Johnston, 2001). A contrario, on peut supposer que, dans le cas d’une conversation téléphonique relativement simple et d’un conducteur détaché l’impact sur les performances de conduite sera relativement faible.

Les caractéristiques de l’environnement sont également sources de variations de la charge mentale lorsque le conducteur est au téléphone (Liu & Lee, 2006). En évoluant dans un environnement familier ou non complexe, en présence d’un trafic faible, la demande attentionnelle est peu importante et la situation peut être gérée sans problème. Dans ces situations, l’utilisation du téléphone portable ne devrait pas interférer avec la tâche de conduite Il est ainsi possible de maintenir un niveau de conduite acceptable et sans difficultés (Liu & Lee, 2005). En revanche, en situations complexes, la conversation téléphonique affectera particulièrement l’activité du conducteur (Antilla, 2005). Prenons l’exemple de la manœuvre de franchissement d’intersections. Par définition cette manœuvre est particulièrement complexe car le conducteur doit non seulement gérer les sous-tâches sensori-motrices de l’activité de conduite, telles que l’adaptation de sa vitesse à la situation de conduite ou l’évitement de freinages brusques... Mais il doit également être en mesure de gérer les flux de véhicules venant du sens opposé ou sur les côtés pour une prise de décision adaptée. En termes de conduite, cela se traduit par la nécessité de détecter les éléments critiques ainsi que les changements de l’environnement routier. Ainsi, il est important de déterminer de quelle manière une conversation modifie le comportement visuel des conducteurs. En effet, dans ces situations, le risque d’accidents est élevé (Harbluk et al. 2007). Un conducteur doit être en mesure de surveiller les piétons, les véhicules présents et ceux changeant de voie. La surveillance des feux tricolores est altérée et à mesure que le conducteur téléphonant s’approche de l’intersection, il oublie de surveiller la zone à droite de l’intersection (Harbluk et al. 2007). Une étude sur simulateur menée par Smith et al. (2005)confirme cette réduction de la surveillance des zones de l’intersection. Les temps nécessaires pour détecter les éléments de la signalisation sont par ailleurs plus lents. L’étude menée par Cooper et al. (2003) montre que ce type de manœuvre est particulièrement sensible aux effets de la distraction. Ces auteurs ont notamment démontré qu’en situation d’attention partagée, un conducteur franchit une intersection avec un gap plus petit qu’en situation dite normale de conduite. Associé à cela, la décision de marquer l’arrêt au bon moment est significativement dégradée par la conversation téléphonique (Hancock et al. 2003).

Un conducteur distrait n’est pas à l’abri de prendre des décisions non adaptées et risquées. En cherchant à mesurer les effets de différents systèmes d’informations sur le comportement des conducteurs en environnement urbain, Antilla et al. (2005) ont montré qu’une tâche secondaire de nature visuelle entraînait des attentes injustifiées aux intersections alors qu’aucun véhicule n’est présent. Malgré cela, il est intéressant de noter que se sont les tâches secondaires de nature cognitives qui sont les plus fréquemment responsables de comportements inadaptés lors de franchissement d’intersections (Antilla, 2005).

Ainsi, marquer l’arrêt au bon moment lors d’un franchissement d’intersection, déterminer le moment opportun pour s’insérer dans une autoroute ou pour procéder à un dépassement sont autant d’exemple pour lesquels le conducteur doit pouvoir correctement décider de la démarche à suivre afin de prendre les décisions adéquates face à la situation. Ces situations « complexes » sont particulièrement sensibles à la situation d’attention partagée.

Parmi ces nouveaux systèmes d’informations et de communications, les systèmes de navigation occupent une place privilégiée. Considérée comme une tâche imbriquée à l’activité de conduite, leur utilisation nécessite une présentation détaillée.