2-2/ Classification de l’erreur humaine

2-2-1/ Modèle « Skill – Rules – Knowledges »

Quelle que soit l’activité à réaliser, le comportement humain est par définition téléologique (Rasmussen, 1983, 1986), c'est-à-dire qu’il est dirigé par nos objectifs et par une recherche d’informations pertinentes. Selon Rasmussen (1983), un comportement téléologique dépend des expériences passées, lesquelles justifient de choisir une approche plutôt qu’une autre (Rasmussen, 1983, 1986). Le comportement n’est pas dirigé selon un schéma stimuli-réponse (résultat d’un dispositif avec une simple entrée et sortie). Le rôle de l’expérience prend ainsi toute son ampleur avec un comportement adapté selon le contexte rencontré.

Dans un environnement familier, les comportements ne sont pas dirigés par les buts mais sont régis par un ensemble de règles précédemment utilisées avec succès. En revanche, dans un environnement non familier où les règles connues sont inefficaces, le comportement est orienté par les buts. Selon le but à atteindre, plusieurs scénarii sont mis en place et testés afin de choisir la séquence d’actions la plus appropriée. Cette dernière sera sélectionnée en fonction des fluctuations de l’environnement (dynamique ou non), et en fonction des expériences passées. Le scénario choisi inconsciemment sera confronté à une représentation interne (correspondant au modèle des propriétés et des comportements de l’environnement). L’efficacité de ce traitement est liée à la disponibilité d’un large répertoire de différentes représentations mentales de l’environnement.

Lorsqu’il est confronté à une situation non seulement complexe mais aussi inconnue, un sujet n’a pas forcément connaissance des procédures à mettre en œuvre et de ce fait la production d’erreurs n’est pas surprenante. Comme nous l’avons déjà montré, seule l’expérience permet à un sujet de savoir les procédures à suivre face à une situation, même si celle-ci s’avère être complexe. Ainsi, pour comprendre une erreur, l’effet de l’expérience pour effectuer une tâche donnée doit être pris en compte. Il s’agit d’observer, pour une même tâche, les performances d’un novice et celles d’un expérimenté. Cela revient à observer la manière dont l’homme interagi et s’adapte à son environnement. Déterminer à quel moment un opérateur novice va faire une erreur et pourquoi l’opérateur expérimenté ne la fera pas. Est-ce l’effet du contexte ou un manque de compétence et de connaissances ? Le modèle de Rasmussen (1986) permet de comprendre ce fonctionnement et le rôle du niveau de familiarité avec l’environnement dans la production d’erreurs.

Les premiers travaux de Rasmussen ont porté sur l’analyse de l’erreur dans le domaine de l’industrie, pour rendre compte des mécanismes cognitifs impliqués dans l’adaptation aux environnements dynamiques. Les nouvelles technologies et la complexité des chaînes de production favorisent la production d’erreurs et les risques d’accidents. L’avantage du modèle de Rasmussen (1983, 1986) est qu’il prend en compte l’acquisition des compétences par l’intermédiaire du lien existant entre les connaissances acquises et le développement des processus d’automatisation. Rasmussen (1983, 1986) propose ainsi un cadre « habiletés-règles-connaissances » ou (Skills, Rules, Knowledge) avec trois niveaux de performances (figure 8). Le niveau basé sur les habiletés reflète les performances sensori-motrices effectuées à un niveau contrôlé. Le niveau basé sur les règles réfère aux buts et est dirigé par le savoir-faire. Enfin, le dernier niveau est, quant à lui, basé sur les connaissances. Ces trois niveaux réfèrent au degré de familiarité avec un environnement et mettent en avant la distinction entre les traitements automatiques et les traitements contrôlés. Ainsi, selon la quantité de connaissances acquises, le passage d’un niveau à l’autre sera différent et plus ou moins rapide. La distinction entre ces trois niveaux est utilisée pour relater les mécanismes psychologiques au travers des catégories d’erreurs. Afin de comprendre les mécanismes sous jacents à ce modèles, nous présenterons de manière détaillée ce que représente chacun des niveaux évoqués précédemment.