3. Le bonheur par l’amour conjugal

Au cours de l’entre-deux-guerres, le mariage devient un sujet romanesque. À partir de 1924, alors que l’intérêt des écrivains se portait traditionnellement sur la passion extraconjugale354, quelques écrivains ont tendance à traiter dans leurs œuvres des rapports amoureux dans le mariage en milieu bourgeois. La question de savoir si l’amour peut durer dans le mariage ou s’il peut donner le bonheur aux époux constitue l’intrigue essentielle de certains romans de cette période : toute l’œuvre romanesque de Chardonne, et surtout celle qui a été étudiée dans la partie précédente, est un roman d’amour 355 : ce qui est important pour les personnages chardonniens et ce qui leur procure l’impression du bonheur c’est « l’amour…il n’y rien d’autre dans [leur] vie…rien. »356 ; « C’est lui qui [les] rend limpides, harmonieux, vrais »357.

À travers l’histoire, le thème de l’amour se présente, dans l’œuvre littéraire, sous différents aspects358. Pourtant, il garde ses caractères essentiels, surtout l’instinct sexuel359. Mais l’amour, dans l’œuvre romanesque de Chardonne, est bien plus que la satisfaction d’un instinct, quelque chose de plus que le désir des relations sexuelles. C’est la voie essentielle dans laquelle les personnages trouvent « les paradis sur la terre »360 et par laquelle le héros et l’héroïne tentent d’échapper à la solitude. Il vise à l’union complète des amants, à la fois physique et morale : le désir des personnages se mêle inévitablement à l’adoration. Il s’adresse à une personne et à elle seule.

Tous les personnages chez Chardonne ont besoin d’aimer et d’être aimés. L’amour pour chacun d’eux est la moitié de sa vie, et peut-être davantage. Il existe chez eux pour leur permettre de donner et de recevoir du bonheur. Hors du mariage, certains d’eux savourent le bonheur dans des relations amoureuses, où ils goûtent le sentiment si agréable d’être, pour leur plaisir361, avec la femme qu’ils aiment. Ce qui les retient à côté d’elle c’est un amour pur. Il n’est pas dupé par l’esprit de famille, embrouillé avec le devoir et la nécessité. Mais la joie que les amants tâchent d’atteindre l’un auprès de l’autre reste fragile : leur amour n’a pas les composantes qui lui donnent la force pour être durable. Voyons ce que Le Chant du Bienheureux raconte de la relation de Pierre avec Jeanne : celui-là, un homme marié et père de famille, trouve le bonheur, qu’il ne connaît pas dans la vie à deux, avec Jeanne dans un amour extraconjugal. Tous les deux y sont « perdus dans une rêverie de bonheur »362 pendant les quelques jours qu’ils passent ensemble au cours de chaque visite secrète de Pierre chez elle. Leur amour a un goût vrai et certain, exclusif et indépendant. Pour le garder tout pur, Pierre évite, pendant sa rencontre avec Jeanne, de parler de ses soucis et de ses souvenirs personnels ; et pour le préserver de la vie, il veut le laisser dans le secret, « sans ingrédients sociaux. »363 Bien que chacun éprouve un vrai sentiment pour l’autre, le bonheur qu’un tel amour peut réaliser, surtout pour la femme chardonnienne, reste éphémère et fragile dans sa construction : « Ce qui fait la puissance implacable, le sens de la vie, joie sans ombre, temps sans mesure, amour, s’échappe [avec le départ de Pierre] comme un goût exquis tout de suite fondu que les lèvres ne savent pas retenir. »364 Leur amour ne peut leur donner ni la sécurité ni la paix. Les amants craignent toujours de se perdre l’un l’autre :

‘« Depuis trois ans, à cette place, il avait reconnu [la maison de Jeanne] du même regard anxieux, comme s’il craignait chaque fois qu’elle eût disparu. Jeanne l’attendait près de la grille du jardin. Il jeta sa valise […] ; puis brusquement il lui saisit les bras et l’entraîna serrée contre lui vers la maison. Troublée, comme transie, elle ne disait rien en montant le sentier. Sans le regarder, elle cherchait à le reconnaître d’abord dans sa voix, comme si la courte absence avait repris cet homme, dissous leur amour, jamais acquis, jamais possédé, et qu’il fallait toujours reconstituer, quand le moindre éloignement avait glissé entre eux son immense nuit. » pp. 71-72’

Jeanne ignore tout de la vie de l’homme qu’elle aime.365 Elle n’a de lui qu’une seule image -amoureuse et souriante-, qui s’absorbe dans l’inconnu sitôt la porte close après son départ. « L’être réel et multiple demeure caché pour elle. »366 Elle ne peut se réjouir d’un événement qui le touche dans sa vie personnelle car ses racines restent ailleurs.367 L’existence des autres dans la vie de Pierre (ses enfants et sa femme), la puissance du souvenir et aussi des autres choses qui constituent ce qu’on appelle "l’indestructible mariage"368, fragilisent l’amour et conduisent les amants au détachement. Le bonheur que l’amour sans mariage peut procurer aux personnages chardonniens « n’est que méfiance. Il est faux et vide »,369 condamné à ne pas durer.

Pour la stabilité de l’amour et la possibilité de le rendre durable, Chardonne adopte le mariage pour perdurer le bonheur dans l’amour et pour donner le sens exact d’une union complète. « Tous ses personnages connaissent l’amour, certes ! Mais ils ne connaissent la vie que dans le mariage. Tant que cette expérience leur manque, ils ne savent rien. »370 Ils trouvent dans la vie à deux la confirmation de l’amour, « le véritable attachement de la chair »371et le bonheur commun des conjoints dans un milieu paisible où l’homme est libre et véritablement lui-même372 : « C’est dans le plein jour, l’aisance, la légalité du mariage que se déploie tout cœur d’un amoureux »373 ; pour Claire, « le mariage est nécessaire à l’amour. Il en est la preuve »374 ; Pierre, dans Le Chant du Bienheureux, bien qu’il n’ait pas trouvé, comme nous avons indiqué, le bonheur ni l’amour dans son expérience conjugale avec Rose, conseille à son ami d’épouser la femme qu’il aime en lui disant : « c’est dans le mariage seulement, dans une longue fidélité que vous connaîtrez l’amour […] Vous ne savez pas combien vous pouvez être heureux ! Vous connaîtrez ce goût meilleur de toutes choses… ce bon climat pour l’homme… son climat… sa terre. »375

Pour donner à l’amour dans le mariage la place qu’il mérite, Chardonne l’étudie indépendamment des enfants. Il est pris en tant que simple relation entre femme et homme. Ce qui l’intéresse dans son observation de la vie de ses personnages amoureux c’est l’amour après les sens, après la fusion. C’est pourquoi le couple dans la vie conjugale représente l’élément essentiel de l’intrigue de tous ses romans. Ce qui nous intéresse dans cette étude est de comprendre la conception de l’amour dans l’œuvre romanesque de Chardonne et de savoir si, face à la cruauté de la vie à deux, cet amour, en tant que composante essentielle du bonheur, peut être durable et apporter le bonheur accompli au personnage.

À celui qui lui demande : qu’est-ce que l’amour ? Chardonne répond : « Presque rien… un rien de plus vivant dans une femme… un air de surprise, une joie dans les yeux, que l’on discerne à peine mais qui sont inimitables. »376 Tout au long de l’œuvre, l'idée de l’amour dans l’écriture de Chardonne est « indéfinissable et justement mystérieuse »377. Elle varie avec les personnages et selon leur âge. Ils lui attribuent les particularités mêmes de leur nature. L’amour, dans Romanesques, exprime les sentiment d’un couple parvenu à l’âge de la maturité : Armande a quarante ans et Octave cinquante. Entre eux, existe un amour réel et bien établi : Octave est entièrement soumis à l’amour de sa femme. Pour lui, elle est un être précieux, inespéré et très beau. Pour sa part, Armande éprouve pour lui un amour surhumain. Cependant, chacun d’eux ne peut pas manifester son amour à son partenaire ni lui avouer ses sentiments. Chacun perd sa perspicacité envers l’autre et se heurte à une explication erronée de l’amour de celui qui partage avec lui son existence depuis si longtemps. Sans souffrance, chacun se plaint de l’autre à son confident, prétendant que l’autre ne l’aime pas. Cependant le lecteur les voit enfin se pencher amoureusement l’un sur l’autre : ce sont des personnages étranges qui, par conséquent, rendent leur amour étrange.

Par leurs aveux et les commentaires de leur confident, on s’aperçoit que l’amour, au début de leur mariage, n’est qu’« une compensation à quelque manque, un besoin vital »378 : Armande goûte le bonheur dans l’amour d’Octave après l’expérience malheureuse de son premier mariage où elle a accepté d’être aimée sans aimer. Octave rencontre tardivement Armande et tout de suite il l’aime. Lorsqu’il l’épouse, il n’a qu’un but : rendre leur amour plus profond et plus rare. Il écarte tous les obstacles ; il renonce à tout, même à ses amitiés, et se retire avec elle dans une maison de campagne qu’il a fait construire pour abriter leur amour. Isolés et uniquement occupés à aimer l’autre, les époux s’étouffent. Ils cherchent une joie différente mais proche de ce premier bonheur que chacun a trouvé dans l’amour de l’autre : à leur âge, plaindre l’autre n’est qu’une invention voluptueuse qui leur permet de renouveler et de renforcer l’amour. Et c’est dans cette pratique que réside leur vrai bonheur : chacun « souffre de la personne de l’autre, ignorant la cause, l’aimant toujours ; plus il en souffre, plus il l’aime. »379

« Souvent la femme, pour être heureuse, se contente d’être aimée380. [Elle est triste quand sa voix ne pénètre plus l’homme qu’elle aime]381 ; ce qui est insupportable à l’homme, c’est quand il n’aime pas »382 ; il atteint la plénitude du bonheur quand il est amoureux, maisla joie qu’il peut trouver à travers l’amour d’une femme, et surtout celle avec qui il partage l’existence, est une chance383 et un produit du hasard. « Quand on est marié, on ne sait plus avec qui l’on vit. »384 Bernard, comme tous les autres personnages chardonniens, cherche son bonheur dans l’amour de sa femme. Tout au long de son écriture, il a tendance à affirmer que le bonheur est dans l’amour et qu’on ne peut jamais le trouver ailleurs, que son amour pour Éva est unique, que nul n’a jamais aimé comme lui ni plus que lui. D’abord, il écrit : « Je suis un homme heureux. Je possède le seul bonheur qui soit au monde. J’aime la femme avec qui je vis et qui est ma femme. »385 Plus loin, il donne la recette que l’homme peut suivre pour se réjouir de la vie à deux. Il écrit : « il me semble qu’il suffirait de dissiper une ombre, de dénouer un fil, de souffler sur une poussière pour que notre bonheur fut délicieux. C’est un rien, qui vicie tout et que je ne puis définir.»386 Quelques pages encore de son journal, il ajoute : « c’est une belle chance que d’aimer une femme. Dans une femme, c’est vraiment la vie qu’on aime. »387 C’est peut être dans un amour partagé et durable qu’on aimerait imaginer le bonheur de ce mari, qui accepte, pour vivre son bonheur dans l’amour, les mille contraintes absurdes que lui impose Éva ; et qui ferme librement les yeux et les oreilles sur les défauts que les autres trouvent dans la personnalité de sa femme. Mais il faut pourtant résister à la tentation, car, s’ « il n’existe qu’une seule forme de l’amour véritable, les simulacres de l’amour sont nombreux. Leur variété est infinie »388 et l’image serait à peu près totalement fausse : l’amour fou de Bernard pour Éva se réduit au rêve chimérique. Il pense qu’il  « poursuit le bonheur dans cet amour, [mais en fait] il court après le reflet d’un mot »389 : la femme qu’il aime ne se trouve pas "au même diapason", « elle ne l’a jamais aimé »390, elle le quittera pour vivre avec un autre. Bernard, donc, n’est pas heureux, il se juge heureux par l’illusion de l’amour dans laquelle il vit avec Éva, croyant que celle qu’il aime lui rend sa passion. Un tel amour non-réciproque et "handicapé", qui égare l’homme ne peut refléter qu’une figure d’un bonheur fragile. Mais ce qui réalise le véritable bonheur chez les personnages chardonniens, c’est l’amour unique et partagé que vivent les époux et que le temps accroît et embellit. « Celui qui l’éprouve ne demande plus rien à la vie. Il n’a plus grand-chose à dire »391.

Entre Jean Barnary et Pauline, « "l’amour est beaucoup plus que l’amour", ce n’est pas un sentiment si simple ; il y entre autre chose, l’âme, après les sens, l’âge, la douleur »392. Chez Jean, l’amour prend plusieurs figures : au début, « c’est une création. Puis, c’est le goût de la perfection, et puis, au contraire, c’est accepter un être tel qu’il est. [Dans sa vieillesse, l’amour] c’est chérir un être libre, qui a la permission d’être vraiment lui-même, d’être jeune…de vieillir »393. Avant son divorce d’avec Nathalie, Jean a aimé Pauline secrètement. « Son amour à elle est indéfinissable : il ne ressemble pas au mal, à l’erreur ; il n’a rien de chimérique ; il est comme un aspect tout nouveau de la terre. »394 Il l’aime par la mémoire qu’il a de son visage, l’importance qu’il accorde à ses moindres mots, le dialogue avec lui-même, où elle est toujours présente. Devant elle, qui partage avec lui les mêmes sentiments, Jean se maîtrise, il garde un air d’indifférence en évitant les mots qui pourraient révéler ses propres sentiments. Cette attitude n’est pas un triomphe incertain de la volonté, mais s’appuie sur l’amour où s’incarnent la passion et l’élan pour protéger du malheur l’être qu’il aime. « Quand on se met en ménage pour la seconde fois, on veille sur son bonheur. C’est une question d’amour-propre »395. À Rens, où ils vivent ensemble, ils goûtent le bonheur dans leur amour partagé. Leur existence à deux n’est pas trompeuse. Sous le toit de leur petit chalet isolé sur le flanc d’une montagne, se concentrent la félicité et l’amour. Ils ont ce dont personne n’est sûr que cela existe. Ils sont heureux de ce qu’ils possèdent, n’attendent rien. Ni l’argent ni la distraction ne constituent chez eux des privilèges. L’un comme l’autre sait se contenter de presque rien : « cette heure douce, ces routes paisibles, cette paix autour d’ [eux] et un peu de sécurité pour goûter la vie »396. Chacun d’eux incarne son idéal dans l’autre, vit pour l’autre, goûte le bonheur toujours avec l’autre et dans l’amour de l’autre. « Hors de l’amour qu’ [ils éprouvent], il n’existe pas de véritable amour. »397 ; c’est pourquoi Pauline est surprise de ressentir, en goûtant l’air âpre et en regardant les champs de blé noir à Belle-Anse, un sentiment d’allégresse et un plaisir extrêmement vif auquel Jean n’est pas mêlé.

Si on choisit un être pour en faire le partenaire de sa vie, ce n’est pas parce que celui-ci est l’idéal des rêves de l’autre, mais parce qu’on veut vivre avec lui tel qu’il est, parce que c’est lui que l’on choisit pour partager la vie et, « à partir de cette acceptation, commence vraiment l’amour »398. Bernard, dans Éva, explique en quelques mots le secret pour vivre heureux avec la personne qu’on aime :

‘« Il ne faut pas vouloir modifier [l’être que l’on aime]. Pour corriger un travers qui nous agace, on a bientôt renversé son bonheur [...] Les travers que nous lui reprochons sont ennuyeux […] L’artiste connaît les défauts de son œuvre et les aime, parce qu’ils sont liés à des mérites essentiels. Si Éva était parfaite, elle serait une autre femme. » p. 26.’

Pour le personnage chardonnien, la vie conjugale se montre heureuse quand on « apprend à aimer une personne à travers sa réalité »399 ; à l’accepter telle qu’elle est, avec sa noblesse et avec ses petitesses. Il n’admet pas « l’amour despotique, justicier, qui vitupère et assassine »400. Jean Barnary vit heureux avec Pauline. Rien ne la change à ses yeux, ni sa colère ni sa vieillesse : Pauline se révolte et pleure lorsque Jean lui annonce sa décision de travailler dans la Fabrique avec les actions qu’il a données à Nathalie. Ce comportement fait d’elle, momentanément, une "Pauline faible" ; cependant son mari l’aime davantage à cause de ses faiblesses. Après plusieurs années de vie commune, Pauline n’a plus la beauté de sa jeunesse, son mari voit ses cheveux blancs, des petites rides près de ses yeux et près de sa bouche. Mais ces traces de l’âge sur le visage de la femme qu’il aime lui sont étrangères. Le visage de Pauline lui est toujours cher « il est inattaquable […] Il ne change pas, alors que tout change en lui »401. Ils se sentent vieillir, mais cela leur est égal. Ils sont liés comme au-delà d’eux-mêmes.

Le bonheur dans le mariage ne peut durer qu’à condition de respecter la liberté de l’autre, et le plus important, est de demeurer un couple uni. Pour l’époux chardonnien, la femme et son amour restent « la grande affaire sentimentale de sa vie.»402 « Auprès du plaisir de la retrouver en bonnes dispositions, il n’existe rien pour lui »403 ; « s’il existe un lieu au monde où elle serait complètement heureuse, aucune raison ne l’empêcherait d’y courir »404. Rien n’importe davantage que d’assurer le bonheur de la femme qui partage avec lui son existence405. Sa joie lui importe avant tout et d’où qu’elle vienne. L’essentiel pour lui est d’être heureux et de garder auprès de lui une femme heureuse406. Pour celle qu’il aime, il admet tout, permet tout et pardonne tout. Il ne lui enlève rien. Aimer, pour Octave, c’est jouir de voir heureuse la femme qu’il aime :

‘« Simplement je l’aime et sa joie me fait plaisir. Peu m’importe la cause »407.’

Pour son bonheur, Octave permet à Armande, qui regrette sa jeunesse408, d’user d’une liberté à laquelle, en se mariant avec lui, elle a tout de même renoncé : il lui permet une relation avec Bobb : il lui donne la liberté de sortir ensemble, de déjeuner et de faire tout ce qu’elle veut. Sa philosophie excuse son comportement en disant que « la femme est un être vivant, elle a sa volonté obscure et ses besoins »409. Cette liberté est « une revendication profonde de l’être »410. Rien de sensuel ne peut exister entre Armande et ce jeune homme. Elle est une femme essentiellement pure et une épouse fidèle, hantée par l’amour de son mari. Elle ne vit que par lui : « plutôt que de le quitter, [elle] aurait préféré mourir »411

De même, Jean Barnary est heureux de voir Pauline vivre sa jeunesse dans une relation fugace avec René, au cours de son voyage d’affaires en Amérique, de la voir ouverte aux autres, sans arrière-pensée, sans investissement affectif. Il n’en éprouve aucune peine. Pour lui, l’aventure de sa femme avec le jeune homme est une chose naturelle et innocente. Pauline a besoin de se reposer de son unique amour : « L’homme que l’on aime est trop près de vous, il vous fatigue… il vous supplante »412. En fait, ce que Pauline a aimé chez René, ce n’est pas lui… c’est sa propre jeunesse, son indépendance et une certaine femme. Son amour pour Jean est « indestructible »413 ; il se vit dans la durée. Il lui fournit le pouvoir. Elle n’existe que par lui. « Hors de cet amour, elle ne trouve rien, le monde est vidé. »414

Vivant près de l’être aimé, le personnage chardonnien se sent donc prêt à certains sacrifices pour conserver l’amour qui l’enchante : Octave ou Jean Barnary se montrent conciliants à l’égard de la femme qu’ils aiment. Ils acceptent de lui accorder cette liberté parce qu’ils savent aimer et parce qu’en amour, ils sont davantage soucieux du bonheur de celle qui partage leur existence que de leur propre bonheur415. Dans Vivre à Madère, nous trouvons le cas inverse à partir de la personnalité de la femme de Charles, l’ami du narrateur : pour garder leur bonheur conjugal, Angèle pardonne tout à son mari. Quand elle découvre sa relation avec l’anglaise Mary Harrow et ressent l’inquiétude de Charles à cause du développement de cette relation, elle essaie de le tranquilliser sans tenter de le questionner sur ce qui s’est passé entre eux. Elle le laisse tout à fait libre dans sa vie sans peser rien sur lui. À ce propos, vient à l’esprit l’enseignement dégagé de l’expérience d’Isabelle, l’héroïne de Climats, d’André Maurois, avec l’homme qu’elle aime qui explique les motifs de l’extrême indulgence chez l’être qui aime : « Ce que j’ai compris de très important, écrit-elle, c’est que si l’on aime vraiment il ne faut pas attacher trop d’importance aux actions des êtres qu’on aime. Nous avons besoin d’eux ; eux seuls nous font vivre dans une certaine atmosphère dont nous ne pouvons pas nous passer »416. Parallèlement, Pauline et Armande restent fidèles à leur époux ; et c’est « dans la possession d’un cœur fidèle que [les deux époux] trouvent un sentiment qui n’est pas ailleurs »417. C’est cette puissance étonnante de compréhension et de fidélité qui réalise le bonheur et fait perdurer l’amour dans la vie à deux.

Dans Claire, l’amour est « un miracle : deux êtres destinés à s’aimer se rencontrent … cela passe l’imagination »418 : Jean, qui a vécu une expérience conjugale malheureuse, réussit à pénétrer la retraite de Claire, et des sentiments très intimes se nouent rapidement entre eux. Au début, ils vivent séparés mais unis par le cœur. Jean trouve son bonheur dans cet amour tout pur. « Il remercie le ciel de lui avoir donné la femme qu’il aime. […] L’amour de Claire est le plaisir de son âge mûr. »419 Il rassure en lui le tourment de sa vie passée et fait de lui un homme nouveau. Pour Claire, cet amour d’avant le mariage « n’est qu’un commencement, un prétexte, une lumière ; c’est le don de soi, constant et multiple, qui lui est nécessaire »420. Elle en est heureuse, mais, pour le confirmer, le mariage doit être la preuve. Ils s’épousent, et leur amour passionné et réciproque aboutit à fonder deux êtres en une nouvelle créature. Ils vivent une espèce de dépendance dans laquelle l’un est la vie de l’autre :

‘« Avant, dit Claire, tout était pauvre entre nous…si peu humain…Maintenant je me suis livrée…Toi aussi… Nous sommes plus mêlés ensemble… plus exposés…plus vivants » p. 209.’

Leur nouvelle union apporte à Claire une vie selon son instinct et son rêve, l’occasion de donner aux heures et aux travaux la forme de son amour. Dans la vie à deux, Jean goûte le bonheur. Il aspire à « un esprit plus ouvert pour saisir tout ce qui l’entoure … sans laisser perdre le meilleur »421. L’amour lui permet de s’exprimer, de s’abandonner et de parler avec la femme qu’il aime sans ménagement, sans réserve : « l’aveu de soi et la confession de toutes pensées sont le signe même de l’amour partagé »422. Quand leur amour atteint la plénitude, la mort survient pour enlever Claire à son mari ; cependant leur amour n’a pas de fin423 : pendant leur vie conjugale, Claire est « le centre de l’équilibre de Jean »424 ; après sa mort, il continue à l’aimer, à ne penser qu’à elle, à se souvenir de ce que était leur union et leur amour - c’est la raison de l’écriture de Claire :

‘« Mais je sais qu’à Charmont une femme a vraiment existé. Je l’ai aimée d’un sentiment qui ne devait pas s’interrompre. » p. 229.’

Chez tous les couples chardonniens, « l’amour est, par son essence, unique, constant et indéfectible »425. Il est « une lumière qui arrête les yeux…qui émeut »426 sans s’éteindre. Il vient de leur âme. Il demeure durable. « Rien ne dure qui ne vienne de l’âme. »427 Examinons l’amour entre Frédéric et Marie : avant son mariage avec Frédéric, Marie avait imaginé l’amour comme « un accord pur, une rencontre magique, imposés par le destin, entre deux êtres qui ne l’ont pas voulu »428. Sa vie ne lui avait apporté aucun bonheur. Elle situait le bonheur dans un amour qu’on ne peut que recevoir sans le demander aux hommes. À l’instar de toutes les jeunes filles de Barbezieux dont les caractères inspirent certaines héroïnes de Chardonne ; celles qui « étaient amoureuses du mariage et …aimaient tant le mariage que tout de suite elles croyaient aimer leur mari et beaucoup ont conservé cette idée durant leur vie »429, Marie met sa passion et son romanesque dans le mariage. Elle rêve d’échapper à la solitude : celle de la famille et de la rue. Elle veut employer son cœur, s’occuper d’un homme, vivre de lui et pour lui. « Elle attend du mariage un salut. »430 Son amour pour Frédéric est né de sa confiance en cet homme, qu’elle voit comme l’homme de ses rêves : un homme qui ne ressemble à personne et qui est capable de la sauver de sa vie solitaire et malheureuse. Le mariage a lieu et, au début, les époux vivent la félicité. Marie a goûté au bonheur « si nouveau du cœur qui ne souhaite plus rien, que ce qu’il possède. »431 Puis la crise du domaine vient troubler l’amour et affaiblir la santé et le caractère de Frédéric. Cependant, le dévouement de Marie garde intact l’amour et leur union : elle se dépense pour l’homme qu’elle aime, sans souci d’elle-même. Par amour, elle veille sur la santé de son mari, s’occupe de la maison. « Son cœur qu’elle avait cru épuisé par toutes les larmes de l’amour, lui réservait encore le plaisir de donner, sans révolte, ni espérance. »432 Quand Madame Pagès conseille à Marie, à plusieurs reprises, de quitter Frédéric parce qu’il est la source de son malheur et quand elle tente de la convaincre de construire sa vie avec un autre parce qu’elle est encore jeune et jolie, Marie refuse l’idée. Elle n’accepte pas de laisser l’homme avec qui elle a connu l’amour et a goûté le bonheur : Marie est une femme amoureuse, et « si une femme aime vraiment une fois, si elle a souffert, si elle a été heureuse, hors de cet amour, elle ne trouvera plus rien »433.

En ce qui concerne Frédéric, on peut croire que l’amour ne se trouve plus dans le cœur de ce fou et qu’il désapprend son amour pour la seule femme de sa vie. Mais « rien ne passe comme l’amour sans laisser une image et une trace »434 : sans être conscient que c’est Marie qui le soigne, il aime à rester auprès d’elle. Et quand elle lui demande s’il se souvient de Marie, sa réponse dévoile un grand amour pour la seule femme de sa vie : « il y avait une femme ici, qui était la maîtresse. On s’aimait bien… Elle était douce… Elle était jolie…Elle avait des yeux comme des violettes… Je l’ai aimée toute ma vie… »435. Leur amour reste éternel dans leur âme : sans être conscient de la mort de Marie, Frédéric, refuse de se nourrir. Angoissé et seul dans sa chambre, le visage de la belle Marie lui apparaît dans son délire. Il rappelle les moments délicieux qu’il a ressenti quand le hasard lui a conduit vers la femme de sa vie. Peu de jours après, on le trouve mort.

Un « amour confiant, partagé et durable [c’est] ce que le mariage [chardonnien] suppose »436 pour réaliser le bonheur que le couple attend dans la vie à deux. Il est raisonné : il n’est pas seulement un sentiment, « il est le produit d’une lente distillation, élaboration d’essence précieuse où le corps et l’âme sont fondus »437 ; on peut dire aussi que c’est un "art d’aimer"438, dans lequel le couple « ne peut goûter que les choses qui lui semblent éternelles »439. Dans leur vie conjugale, les époux n’exigent que « la constance de leur amour et de savoir se satisfaire de [cette] réalité »440. Le bonheur qu’ils trouvent dans cet amour devient ainsi une réalité et une expérience vécue, une signification qu’ils tentent de donner à leur vie. Il devient cette joie qui accompagne l’approbation générale de la vie conjugale considérée comme globalement satisfaisante.

Dans Propos comme ça, Chardonne écrit « de tous mes livres […] il ne restera qu’un nom : "Claire", et une phrase : "l’amour c’est beaucoup plus que l’amour". Tout le reste y sera mystérieusement accroché »441. On peut affirmer donc que l’existence d’une femme et d’un amour conjugal, fondé sur une considération réciproque et une compréhension mutuelle restent, dans l’œuvre romanesque de Chardonne, les deux conditions idéales et nécessaires pour accéder au bonheur. Les personnages qui disposent dans la vie de telles ressources sont satisfaits mais, en tant qu’êtres humains, leur instinct demande davantage. L’auteur, dont le but est la réalisation du bonheur parfait de ses personnages dans la vie conjugale, n’a pas d’autre choix que de leur fournir d’autres éléments pour qu’ils puissent contenter leurs désirs et parvenir à la réalisation du bonheur qu’ils recherchent. Mais ces autres composantes ne constituent chez eux que des éléments d’un bonheur conçu comme un état ou comme un acte de construction volontaire et supplémentaire, « une fleur parmi d’autres au sein d’un bouquet déjà largement garni ».442 En cherchant quels sont, chez certains personnages, les vrais plaisirs de la vie après la femme et son amour, on peut en découvrir deux autres sources : ce sont le travail et la nature.

Notes
354.

Une phrase d’Étienne, l’ami de Bernard, le narrateur d’Éva, résume cette idée : « Jadis la femme ne concevait l’amour que sous les traits de l’amant. Le mariage était l’ennemi de l’amour. Au beau temps des passions, dans ce moyen âge qui a inventé l’amour, lorsqu’une femme épousait son amant, elle devait en prendre un nouveau pour ne pas avilir son sentiment. », (Éva, p. 83.)

355.

Gustave Reynier dans Le Roman sentimental avant L’Astrée, p. 302, pour définir ce type de roman, parle de trois invariants : un amour, un obstacle et, quand la fin est heureuse, un mariage. À l’exception de l’intrigue de L’Épithalame, celle des Varais, de Claire, d’Éva et celle de Romanesques traitent de l’amour conjugal ; c’est pourquoi l’ordre donné par G. Reynier aux invariants prendrait chez Chardonne un autre arrangement : mariage, amour et obstacle.

356.

Les Destinées sentimentales, p. 442.

357.

Le Chant du Bienheureux, p. 36.

358.

Une phrase de Jacques Chardonne exprime l’importance que la littérature donne au thème de l’amour : « La littérature française est en grande partie consacrée à l’étude de l’amour. C’est une singularité du génie français et probablement le signe de son originalité». L’Amour du prochain, p. 27. De plus, En français, le mot amour est utilisé pour désigner tout un ensemble de sentiments et de passions. Sous ce mot se distinguent trois aspects de l’amour : l’amour équilibré qui s’adresse à l’âme tout en prenant en considération les droits du corps, l’amour libertinage qui s’intéresse uniquement à la recherche exclusive du plaisir. Sous cet aspect s’insèrent deux formes d’amour : le don juanisme et le sadisme. Le troisième aspect représente l’amour idéalisé où l’amour de l’amant s’axe sur l’âme de l’être aimé et sur elle seule, au mépris de la dimension physique de l’amour.

359.

Une phrase à Castagné, dans L’Épithalame, confirme ce point : « il n’y a pas d’amour qui ne soit à base de sensualité. Oui, je sais : l’admiration, la tendresse, l’harmonie des âmes, on fabrique de l’amour avec cela. Mais c’est l’amour des cœurs desséchés. », p. 90.

360.

Le narrateur de Vivre à Madère commence son histoire avec cette phrase : « J’ai cherché les paradis sur la terre, et d’abord dans l’amour. » p. 9.

361.

Avant son mariage avec Claire, Jean aime rester longtemps auprès d’elle pour son plaisir : « je veux goûter plus longtemps le sentiment si agréable d’être ici pour mon plaisir. » Claire, p. 68.

362.

Le Chant du Bienheureux, p. 72.

363.

Ibid, p. 83.

364.

Ibid., p. 78.

365.

Quand on aime, on veut connaître tout sur l’être aimé, sa vie et son passé ; revenir avec lui sur toutes ses idées ; se mêler à sa vie et s’exprimer à côté de lui. Mais dans sa relation avec Pierre, Jeanne ne connaît rien de l’homme qu’elle aime. Quand ils se rencontrent, « elle ne le questionne pas sur sa famille de peur de toucher à sa vie, regrettant son ignorance, le temps où elle croit qu’il peut tout donner. », Ibid., p. 73.

366.

Ibid., p. 77.

367.

Voir ibid., p. 84.

368.

Ibid, p. 90.

369.

Claire, p. 62.

370.

Voir L’Épithalame, p. 133.

371.

Le Chant du Bienheureux, p. 84.

372.

Voir ce que Castagné dit à Albert dans L’Épithalame, p. 166.

373.

Éva, p. 84.

374.

Claire, p. 112.

375.

Le Chant du Bienheureux, p. 98.

376.

Vandromme, Pol. Jacques Chardonne, c’est beaucoup plus que Chardonne, E. Vitte, Lyon, 1965, p. 60.

377.

Les Destinées sentimentales, p. 366.

378.

Romanesques, p. 30.

379.

Vivre à Madère, p. 108.

380.

Berthe est heureuse de s’apercevoir qu’on la recherchait ; on s’occupait d’elle, on l’admirait. Elle voyait dans le succès et les compliments des hommes un sourire de la vie, une sorte de confirmation de son amour qui rendait plus sensibles les louanges qu’Albert lui adressait en secret et qu’elle sentait ensuite comme briller sur elle. » L’Épithalame, p. 108.

381.

Romanesques, p. 196.

382.

Voir ibid., p. 192.

383.

Jean dans Claire écrit : « je suis un homme heureux […] Et puis, c’est une chance. » p. 185.

384.

Vivre à Madère, p. 33.

385.

Éva, p. 19.

386.

Ibid., p. 85.

387.

Ibid., p. 104.

388.

L’Amour du prochain, p. 38.

389.

Éva, p. 123.

390.

Ibid., p. 150.

391.

Ibid., p. 20.

392.

Les Destinées sentimentales, p. 225.

393.

Voir ibid., p.366.

394.

Ibid., p. 129.

395.

L’Épithalame, p. 204.

396.

Les Destinées sentimentales, p. 226.

397.

L’Amour du prochain, p. 38.

398.

Les Destinées sentimentales, p.258.

399.

Claire, p. 45.

400.

Éva, p. 27.

401.

Les Destinées sentimentales, p. 365.

402.

Le Chant du Bienheureux, p. 38.

403.

Éva, p. 23.

404.

Ibid., p. 92.

405.

Bien que Pierre, dans Le Chant du Bienheureux, n’aime pas sa femme, mais « l’idée qu’elle serait plus heureuse [du nouveau poste de son mari, qui lui permet de déverser une fortune sur la famille] lui apport un grand soulagement. On eût dit que rien n’importait davantage que d’assurer le bonheur de Rose. » p. 81. Dans Claire, Jean, par amour, ne veut pas enlever à Claire la joie qu’elle éprouve à être enceinte. Il prévoit que la maternité de Claire sera son malheur. Cependant, pour satisfaire le désir de la femme qu’il aime et pour la rendre heureuse, il réalise pour elle ce qu’elle veut.

406.

Dans Claire, Jean écrit : « Claire a l’air content, j’ai plaisir à la voir : cela suffit » p. 69. Octave préfère « une femme heureuse à une femme fidèle » p. 95.

407.

Romanesques, p. 148.

408.

Chez Chardonne, certaines femmes regrettent la jeunesse qu’elles n’ont pas vécue : Armande dans Romanesques, Pauline dans Les Destinées sentimentales et Jeanne dans Le Chant du Bienheureux.

409.

Romanesques, p. 166.

410.

Ibid., p. 149.

411.

Ibid., p. 134.

412.

Les Destinées sentimentales, p. 370.

413.

Ibid., p. 370.

414.

Ibid., p. 287.

415.

Ce qui fait le grand mal chez le personnage chardonnien - époux ou épouse - c’est son impression qu’il ne peut pas rendre heureux celui avec qui il partage la vie. Voilà Jeanne, elle souffre car elle nepeut pas rendre son mari heureux : « elle se rappelle la mort de son mari et combien elle a été malheureuse ensuite, parce qu’elle se reprochait de ne l’avoir pas aimé. Elle a éprouvé alors comme le tourment d’une dette, le remords d’avoir été pour un homme l’amertume des choses, et sa déception de la vie. » Le Chant du Bienheureux, p. 84. Voir aussi L’Épithalame, p. 271.

416.

Maurois, André. Climats, Grasset, 1928, p. 245.

417.

Éva, p. 69.

418.

Les Destinées sentimentales, p. 192.

419.

Claire, p.40.

420.

Ibid., p.137.

421.

Voir ibid., p. 148.

422.

Ibid., p.145.

423.

Dans la préface des Destinées sentimentales, Nicole Chardaire cite une déclaration de Jacques Chardonne qui exprime clairement l’amour parfait et durable du couple dans son roman Claire : « J’ai tenté, en écrivant, Claire, de peindre l’amour parfait, à peine troublé par l’idée de la mort, et les contrecoups légers de la vie et des caractères. À présent je dirais que même ces ombres n’existent pas dans l’amour parfait. Rien ne change pour lui, l’être aimé est immuable, hors du temps, affranchi de la mort. »

424.

Claire, p. 177.

425.

Ibid., p. 192

426.

Ibid., p. 211.

427.

Claire, p. 40.

428.

Les Varais, p. 18.

429.

Le Bonheur de Barbezieux, Stock 1938, p. 47.

430.

Les Varais, p.18

431.

Ibid., p.27.

432.

Ibid., p. 151.

433.

Les Destinées sentimentales, p. 287.

434.

Le chant du Bienheureux, p. 90.

435.

Les Varais, p. 150.

436.

Les Destinées sentimentales, p. 192.

437.

Chardonne, Jacques. Attachements, Stock, Paris 1943, p. 24.

438.

Russell, Bertrand. La Conquête du bonheur, Payot, Paris 1962, p. 142.

439.

Une déclaration à Bernard dans Éva. P. 92.

440.

Les Destinées sentimentales, p. 217.

441.

Chardonne, Jacques. Propos comme ça, p. 12.

442.

Baudelot, Christian. Gollac, Michel (dir.). Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Fayard, Paris, 2003, p. 65.