2.3.2. Effets de similarité phonologique sur la production de la parole

L’analyse des erreurs en production de parole a tout d’abord révélé qu’elles sont liées à des phénomènes de similarité phonologique générale. Par exemple, la présence de deux mots phonologiquement similaires dans une même phrase augmente les risques de les prononcer incorrectement (Stemberger, 1990). De même, la ressemblance du mot à prononcer avec un voisinage phonologique lexical important (i.e. de nombreux mots ressemblent à la cible) permet d’expliquer l’asymétrie observée dans les erreurs de substitution (i.e., la fréquence de substitution d’un phonème A par B n’est pas forcément identique à la fréquence de substitution de B par A) survenant lors de la prononciation de mots (Frisch, 1996, cité par Hahn & Bailey, 2005). De même, les erreurs dans la forme donnée aux verbes anglais au passé peuvent s’expliquer par leur ressemblance avec des mots similaires (Bybee & Slobin, 1982).

Hahn et Bailey (2005) remarquent que, malheureusement, la ressemblance phonologique est évaluée de façon variable entre les études sur l’influence de la similarité phonologique en production. Elle est parfois calculée au niveau de la forme générale du mot (wordshape, Stemberger, 1990) (e.g., les configurations de type CVCC, CVCCV, etc), par le partage de la rime (Prasada & Pinker, 1993) ou par le nombre de phonèmes différents ou partagés (Greenberg & Jenkins, 1964). Sevald et Dell (1994) montrent par exemple que la production rapide de quatres séquences CVC (en prononcer le maximum en 8 secondes) est ralentie pour les CVC qui partagent le même son initial CV ; les erreurs de production sont alors particulièrement fréquentes dans la suite de la syllabe. Une évaluation infra-phonémique de la similarité phonologique n’est donc pas systématique.

L’issue des travaux sur les effets de similarité basés sur une prise en compte des traits phonologiques a pourtant un enjeu important par rapport à des modèles de traitement de la parole. Par exemple, en n’observant pas d’effet de similarité phonologique basé sur le nombre de traits partagés entre deux mots qui n’ont aucun phonème en commun, Stemberger estime qu’il ne vérifie pas la prédiction du modèle de Rumelhart et McClelland (1986). En effet, ces derniers proposent que l’encodage des phonèmes est sensible au contexte créé par les phonèmes environnants, décrits au niveau de leurs traits. D’autres propositions théoriques sont aussi basées sur une description des mots en termes de traits phonétiques. Treisman (1978) propose ainsi de représenter un mot par un point dans un espace phonétique multidimensionnel, dans lequel un grand nombre de caractéristiques phonétiques sont prises en compte (voyelle ou consonne, nombre de syllabes, position de l’accent, lieu d’articulation, mode d’articulation, voisement, etc). Nous allons voir que, contrairement aux conclusions de Stemberger, certaines données obtenues dans des épreuves de production de parole sont cohérentes avec ces propositions théoriques qui prennent en compte un niveau très fin de représentation phonologique des mots.

Le rôle de la similarité en termes de traits est envisagé de trois manières : 1/ le partage de nombreux traits par les stimuli présentés (rôle de la similarité du contexte) augmenterait les risques d’échanges entre phonèmes, 2/ les erreurs seraient plus explicables par un échange de traits que par un simple échange de phonèmes et 3/ pourraient se limiter à des types de traits particuliers.