2.4.5. Discrimination de phonèmes et partage de traits phonologiques

Les expériences de discrimination de phonèmes réalisées pour répondre à des questions sur les traits phonologiques sont parfois destinées à tester l’importance relative de différents types de traits pour fonder la différence entre les phonèmes. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, et nous verrons les limites de ces données qui nous renseignent surtout sur l’intelligibilité des différents traits selon les types de distorsion (bruit, filtrage, réduction temporelle du signal…), mais restent insuffisantes pour traiter de leur représentation mentale. Bien que le type de trait distinguant deux phonèmes module les performances en discrimination, les expériences considérées dans leur ensemble montrent une amélioration de la différenciation entre deux stimuli, lorsque le nombre de traits qui les différencient augmente, que ce soit chez les enfants (Graham & House, 1970), ou les adultes (McInish & Tikofsky, 1969).

Des observations neuropsychologiques concourent à montrer que les représentations sont stockées sous une forme qui préserve les traits phonologiques. En perception de la parole, quelle que soit la forme d’aphasie (mais de manière plus claire dans l’aphasie de Wernicke), les difficultés des patients dans les épreuves de discrimination sont plus marquées si les stimuli de la paire diffèrent par un seul trait (notamment le voisement, ou le lieu d’articulation), plutôt que deux traits (Baker, Blumstein & Goodglass, 1981). Les auteurs remarquent que la condition la plus difficile est celle où les stimuli ne diffèrent que par le lieu d’articulation (plutôt que par le voisement), effet surtout relevé dans l’aphasie de Wernicke (Blumstein, Baker & Goodglass, 1977). Les auteurs interprètent cette difficulté particulière pour le traitement du lieu en disant que ce trait repose sur des indices acoustiques (rapides transitions de formants) qui imposent des demandes particulièrement fortes à l’aire associative auditive de l’hémisphère gauche, région détériorée chez ces patients.

Un ensemble de données en discrimination de phonèmes, tant chez des adultes, des enfants, que chez des patients, concourent donc aussi à soutenir l’hypothèse d’un rôle important des traits dans les représentations phonologiques.