2.5. Rôle des traits phonologiques dans l’évaluation de similarité

Certaines recherches testent si les traits phonologiques ont un statut cognitif à travers des épreuves de jugement de similarité, ou des épreuves d’appariement (choix forcé entre deux stimuli pour apparier à une cible), portant sur des segments dont le nombre de traits en commun varie. Dans ces épreuves métalinguistiques, il s’agit d’une évaluation explicite de la similarité, mais la prise en compte des traits eux-mêmes n’est jamais demandée directement.

Certaines analyses ont tout d’abord montré que les jugements de similarité entre deux mots sont liés à l’évaluation de leur distance phonologique par la proportion de phonèmes différents entre les deux. Cette mesure s’avère efficace pour rendre compte des jugements à propos de mots de 1 à 4 syllabes (Vitz & Wikler, 1973). Les travaux confrontant une évaluation infra-phonémique de la similarité et les résultats d’épreuves métalinguistiques sont par contre assez rares.

A partir des réponses fournies par des adultes à une épreuve de jugement de similarité de six consonnes de l’anglais, Greenberg et Jenkins (1964) ont tout de même montré que la différence entre deux consonnes est systématiquement estimée comme moindre si elles diffèrent par un trait phonétique plutôt que par deux traits. De même, Bailey et Hahn (2005) ont comparé différents prédicteurs des jugements de similarité de phonèmes. Ils concluent que la meilleure façon de rendre compte de tels jugements est de se baser sur le nombre de traits articulatoires qui différencient les consonnes : traits de lieu, de mode d’articulation et de voisement. Ils ont aussi montré la pertinence d’une mesure de similarité phonologique passant par les traits dans une autre étude (Hahn & Bailey, 2005). Il s’agissait d’effectuer un choix forcé entre deux stimuli pour apparier l’un d’eux à une cible monosyllabique en fonction de la ressemblance au niveau des sons. Les performances montrent que la similarité estimée par les auditeurs est particulièrement bien évaluée par la prise en compte du nombre de traits en commun pour des phonèmes localisés au même endroit dans les stimuli. Le nombre de traits partagés a un impact encore plus fort au niveau des codas qu’à celui des attaques de syllabes. Le rôle du nombre de traits de lieu, de mode et de voisement partagés par les stimuli semble donc attesté, mais les auteurs n’ont pas avancé l’analyse plus loin, en examinant par exemple le poids des ressemblances selon l’appartenance des traits partagés à l’une ou l’autre de ces grandes classes.

Un dernier principe d’expérience semble pouvoir être rangé parmi les épreuves méta-phonologiques. Le participant est invité à juger à quel point des non-mots ressemblent à des mots. Ici encore, une mesure de la similarité basée sur la distance phonémique est moins efficace pour rendre compte des réponses qu’une mesure basée sur la similarité entre les caractéristiques des phonèmes (Bailey & Hahn, 2001).