3. Deux mécanismes pour les traits phonologiques en lecture : proposition d’un modèle

En lecture, nous supposons que deux mécanismes basés sur des traits phonologiques participent au processus d’identification de mot. Ils permettraient de rendre compte de deux phénomènes. L’un des mécanismes pourrait expliquer, d’une part, la gêne observée pour le traitement du deuxième stimulus en cas de succession de stimuli écrits partageant des traits phonologiques. D’autre part, un second mécanisme pourrait rendre compte de la facilitation observée parfois, en cas de SOA très bref, en condition de forte ressemblance infra-phonémique.

Pour ce qui est de la perception de la parole, le modèle TRACE et celui de la cohorte accordent un rôle aux traits phonologiques dans l’accès lexical en perception de la parole. Marslen-Wilson, Moss et Van Halen (1996) insistent cependant sur une différence quant à leur moyen d’action selon l’une et l’autre approche.

Selon le modèle TRACE (McClelland & Rumelhart, 1981), chaque nœud-mot est connecté à des nœuds au niveau des phonèmes, qui sont eux-mêmes connectés à des nœuds-traits. Il n’y aurait pas de relation inhibitrice ascendante, si bien qu’une information sur des traits qui ne concorderait pas avec le mot n’aurait pas d’effet direct sur le niveau d’activation de ce dernier. Si [k] est entendu à la fin de [strik], cela n’aura pas d’action négative directe sur le niveau d’activation du mot street. L’absence de concordance sera perçue grâce à un processus indirect, au moyen des connexions d’inhibition latérale établies entre des unités lexicales candidates activées à cause du trait incorrect et exerçant alors une concurrence avec le bon candidat lexical.

Le modèle de la cohorte (Marslen-Wilson, 1987) admet que le niveau d’activation d’une représentation lexicale est proportionnel à l’ampleur du recouvrement entre l’input et la représentation lexicale, et comme dans le modèle TRACE, ce recouvrement est mesuré par le nombre de traits phonologiques partagés. Toutefois, contrairement au modèle TRACE, le modèle de la cohorte repose sur des relations ascendantes et non sur des relations d’inhibition latérale. Une absence de concordance entre les traits de l’input et ceux d’une représentation lexicale entraînerait directement une action négative sur cette représentation lexicale.

Dans notre proposition, il s’agit de lecture et non de perception de la parole. Les deux mécanismes phonologiques que nous décrivons se rapprochent cependant, l’un de la notion de relation ascendante (il s’agira du mécanisme décrit comme le plus rapide), l’autre de la notion d’inhibition latérale (il s’agira d’un mécanisme légèrement plus tardif).