6.2. Les grandes formes de dyslexie développementale

Comme nous l’avons décrit plus haut, d’après le modèle de la double voie (Coltheart, 1978), les lecteurs experts utilisent deux procédures : la voie lexicale (par adressage) et la voie extra-lexicale (par assemblage). La procédure lexicale, automatique, implique d’utiliser la représentation orthographique d’un mot pour récupérer les représentations phonologiques (et sémantiques) associées stockées dans le lexique mental. En revanche, la procédure extra-lexicale utilise les connaissances concernant la correspondance entre les unités orthographiques et phonologiques infra-lexicales, connaissances souvent décrites comme des règles de conversion graphèmes-phonèmes.

Deux types de dyslexie sont ainsi distinguées : l’une phonologique et l’autre de surface. Les dyslexiques phonologiques présentent des difficultés à apprendre les règles de conversion graphèmes-phonèmes, ce qui se traduit par un déficit de la voie extra-lexicale. Ils parviennent à lire les mots familiers, mais ont d’importantes difficultés pour les pseudo-mots et présentent des déficits en conscience phonologique, c’est-à-dire pour manipuler et segmenter les phonèmes. Ils souffrent également de dysorthographie et commettent peu d’erreurs phonologiquement plausibles.

Les dyslexiques de surface montrent quant à eux une détérioration de la voie lexicale. Ils sont donc capables de lire les mots réguliers ou les pseudo-mots, mais présentent de grandes difficultés pour les mots irréguliers. Ils commettent par ailleurs beaucoup d’erreurs sur les petits mots (e.g., qui, que), et souffrent d’une forte dysorthographie accompagnée, à l’inverse des dyslexiques phonologiques, de nombreuses erreurs phonologiquement plausibles. Souvent, leurs troubles sont interprétés comme des déficits plutôt visuels avec d’importantes difficultés à avoir une vision globale des mots, ou comme des troubles attentionnels.

Cependant, peu de dyslexiques correspondent strictement à la description de ces deux catégories (phonologique ou de surface) : les formes mixtes représentent plus de 60% des cas. Il faut de plus noter que les difficultés des dyslexiques pour une même forme (phonologique, de surface ou mixte) montrent eux-mêmes une très grande variabilité (Joanisse, Manis, Keating & Seidenberg, 2000).

Le modèle de la double voie de Coltheart n’est pas le seul à pouvoir rendre compte des différentes formes de dyslexie. Le modèle de la double voie révisée (Coltheart, Rastle, Perry, Langdon & Ziegler, 2001) ou des modèles à voie unique comme le modèle interactif de résonance de Bosman et Van Orden (1998) permettent également de simuler ces grands types de dyslexies.