6.3.1. Théorie du déficit phonologique

6.3.1.1. Fondements de la théorie phonologique de la dyslexie

Le fondement de la théorie phonologique est que la lecture est avant tout une activité langagière. Cette théorie part également du constat que la langue écrite, qui s’est mise en place après la langue orale dans la phylogénèse se met également en place après la langue orale dans l’ontogenèse. Il n’est donc pas surprenant que l’enfant s’appuie d’abord sur ce qu’il connaît – son langage oral – pour apprendre à lire, ce d’autant plus que, dans une écriture alphabétique, le recours au décodage grapho-phonémique est peu coûteux pour la mémoire : il suffit en effet de mémoriser un nombre limité d’associations régulières entre graphèmes et phonèmes, plus quelques exceptions, pour lire. De nombreux enfants apprennent à lire en recourant à un tel système, y compris en chinois.

Dans une écriture alphabétique, l’identification des mots écrits peut être réalisée soit par le décodage, qui s’appuie sur les correspondances grapho-phonémiques, soit par la procédure lexicale, qui s’appuie sur les représentations de mots. La procédure lexicale n’est pas une procédure visuelle globale, ni une procédure purement visuelle. En effet, cette procédure ne s’appuie pas sur la silhouette des mots écrits (leur forme globale) mais qui consiste à identifier toutes les lettres en parallèle et à coder leur emplacement relatif. Elle permet au lecteur expert d’avoir accès au code orthographique du mot, mais aussi à son code phonologique et sémantique. Le décodage quant à lui ne renvoie pas seulement à la lecture laborieuse du débutant : le lecteur expert peut en effet identifier en quelques centaines de millisecondes des mots qu’il ne connaît pas encore sous leur forme orthographique (les noms des rues, des stations de bus ou de métro…). Ce qui caractérise l’enfant dyslexique, c’est justement une sévère difficulté de mise en oeuvre – et d’automatisation – du décodage. En effet, le dyslexique a souvent des difficultés pour mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes. Après avoir montré que ce déficit est fiable, nous examinerons les explications proposées par la théorie phonologique, tout en tenant compte le plus possible des explications alternatives (pour une synthèse en français, Sprenger-Charolles & Colé, 2003).