6.3.3.1. La théorie du déficit magnocellulaire

L’hypothèse qui a donné lieu au nombre le plus important de recherches dans le domaine visuel est l’hypothèse d’une atteinte du système visuel magnocellulaire. Des données psychophysiques (Slaghuis & Ryan, 1999), électrophysiologiques (Livingstone et al., 1991) ou décrivant des anomalies de l’organisation anatomique et de la taille des cellules des couches magnocellulaires (Jenner, Rosen & Galaburda, 1999) appuient cette théorie. Le dysfonctionnement de ce système magnocellulaire chez les enfants dyslexiques se situerait au niveau du corps genouillé latéral, dont les couches neuronales seraient désorganisées. D’après cette théorie, l’autre système, parvocellulaire, serait en revanche intact (Lovegrove, Garzia & Nicholson, 1990, cités par Habib, 2002). La voie magnocellulaire, prenant son origine dans les cellules ganglionnaires de la rétine, achemine l’information qui lui est spécifique jusqu’au cortex visuel primaire, après un relais dans les grosses cellules du corps genouillé latéral. Une des fonctions de ces cellules est de fournir, au moment de chaque saccade oculaire, un influx inhibiteur du système parvocellulaire permettant d’effacer la trace de la perception précédente. En cas de dyslexie, ce système magnocellulaire fut justement supposé incapable de supprimer le fonctionnement du système parvocellulaire pendant les saccades oculaires (Breitmeyer, 1980), provoquant ainsi des impressions de superposition de lettres. Cette interprétation n’est désormais plus retenue, car il a été montré, dans le cas normal, que la sensibilité visuelle est supprimée pendant la saccade. Selon une autre interprétation, les systèmes magnocellulaires et parvocellulaires pourraient fonctionner correctement au niveau périphérique, mais un dysfonctionnement interviendrait dans les aires visuelles de plus haut niveau recevant de façon prédominante des projections magnocellulaires (voie visuelle dorsale), (Talcott, Hansen, Assoku & Stein, 2000).

Un cadre théorique a ensuite été proposé d’abord dans le domaine strictement visuel, puis l’hypothèse magnocellulaire a été étendue au domaine auditif (Stein, 2003). Fortement critiquée (Skottun, 2000), l’hypothèse d’une atteinte visuelle magnocellulaire est aujourd’hui encore largement débattue. Par ailleurs, la notion de déficit magnocellulaire renvoie à une atteinte neurophysiologique qui engendrerait des déficits tant des traitements visuels de bas niveau que des traitements phonologiques ; elle n’est donc pas nécessairement incompatible avec l’idée selon laquelle le trouble phonologique est directement responsable, au niveau cognitif, du trouble dyslexique.