6.3.3.2. Trouble visuel magnocellulaire et dyslexies développementales

Dans leur étude, Livingstone et al. (1991) apportent des données comportementales et histologiques suggérant une atteinte du système visuel magnocellulaire dans le contexte des dyslexies développementales. Les auteurs concluent à l’atteinte du système visuel spécifiquement impliqué dans le traitement des faibles contrastes, à savoir le système visuel magnocellulaire. Pour confirmer cette hypothèse, les auteurs présentent des données histologiques recueillies post-mortem sur le cerveau de cinq personnes préalablement identifiées dyslexiques (mais dont certaines présentaient d’autres troubles associés, notamment dysphasiques). Cette seconde étude montre notamment que les cellules du système magnocellulaire au niveau du corps genouillé latéral ont des corps cellulaires de taille réduite (27% plus petits) chez les dyslexiques par rapport aux personnes non dyslexiques. En revanche, les deux populations ne se différenciaient pas au niveau du système visuel parvocellulaire.

Un grand nombre de données comportementales ont été depuis publiées et plaident en faveur d’une atteinte du système visuel magnocellulaire chez les personnes (adultes ou enfants) présentant une dyslexie développementale (Stein & Walsh, 1997). Il a ainsi été montré que les dyslexiques présentent une moindre sensibilité aux faibles fréquences spatiales et aux hautes fréquences temporelles (Lovegrove et al., 1986) ainsi qu’une sensibilité réduite aux points en mouvement (Cornelissen et al., 1995 ; Eden et al., 1996). Eden et al. (1996) montrent que les dyslexiques sont moins performants que les normo-lecteurs pour détecter le mouvement d’ensemble d’une partie d’un groupe de points. Leur étude comportementale est assortie d’une étude sous IRMf où des participants dyslexiques et normo-lecteurs sont confrontés à une tâche de vision passive de points en mouvement ou de points immobiles. La perception de points en mouvement entraîne une forte activation de l’aire V5 alors qu’aucune activation de cette aire n’est observée chez les dyslexiques, suggérant une atteinte du système visuel magnocellulaire. D’autres études ont mis en évidence une moindre discrimination de la différence de vitesse entre deux cibles en mouvement (Demb et al., 1998) et une atypie du contrôle oculomoteur (Pavlidis, 1981), également compatibles avec l’hypothèse magnocellulaire. Plusieurs études suggèrent en outre une relation entre les performances des participants dans les épreuves magnocellulaires et leur performance en lecture. Il a ainsi été montré que les seuils de détection de mouvement prédisaient 25% de la variance de performance en lecture (Talcott et al., 1998, 2000 ; Witton et al., 1998).