En résumé :

Apprendre à lire implique la mise en relation d’une séquence orthographique appréhendée visuellement et de la séquence phonologique correspondante. La plupart des recherches menées au cours des 30 dernières années ont mis l’emphase sur la dimension phonologique et ont largement démontré son importance pour l’apprentissage normal et son implication dans les troubles dyslexiques lorsqu’elle est déficitaire. Un nombre plus limité de recherches s’est intéressé à la dimension visuelle. Il en ressort de façon claire que les dyslexiques présentent des particularités des traitements visuels qui ne concernent pas la fonction visuelle dans son ensemble. Des arguments ont été apportés à l’appui d’une atteinte du système visuel magnocellulaire ; cependant les recherches menées dans ce cadre ont conduit essentiellement à entrevoir l’extrême complexité de ce type de trouble dont on peut penser aujourd’hui qu’il se manifeste dans certaines conditions expérimentales particulières qui restent encore largement à définir et qu’il ne s’observe que chez une sous-population d’enfants dyslexiques, elle-même non clairement identifiée. Les études les plus récentes suggèrent notamment que le trouble magnocellulaire pourrait ne se manifester que lorsque la tâche implique un traitement attentionnel spécifique.

Ceci rejoint les résultats d’un certain nombre d’autres travaux suggérant l’existence de troubles visuo-attentionnels en contexte dyslexique, troubles pouvant avoir pour corrélat neurophysiologique une atteinte pariétale magnocellulaire. La notion de trouble de l’empan visuo-attentionnel récemment formulée dans le cadre du modèle connexionniste multitraces de lecture suggère quant à elle qu’une difficulté à traiter en parallèle les lettres de la séquence du mot pourrait être à l’origine de certaines formes de troubles dyslexiques, indépendamment des capacités de traitement phonologique des enfants. Les résultats publiés jusqu’ici suggèrent que ce type de déficit est dissocié du trouble phonologique chez un nombre non négligeable d’enfants dyslexiques et que la sévérité du déficit de l’empan visuo-attentionnel est reliée à la sévérité de leur trouble lexique. Des études ultérieures devront apporter des arguments forts à l’appui d’une relation causale entre déficit de l’empan visuo-attentionnel et troubles dyslexiques. Les données dont nous disposons aujourd’hui doivent néanmoins conduire à ne pas oublier que la lecture implique une dimension visuelle et une dimension phonologique dont chacune joue un rôle complémentaire dans l’apprentissage. Elles reposent donc la question de l’origine multifactorielle des troubles dyslexiques.