6.3.5.1. Présentation de la théorie

Partant de la constatation que les dyslexiques présentent non seulement des difficultés de lecture, mais également d’autres troubles dans les domaines visuel, auditif et moteur, Fawcett et Nicolson concentrèrent leur attention sur une série de caractéristiques qu’ils avaient remarquées chez leurs patients dyslexiques : un retard dans les étapes du développement moteur, des troubles de nature séquentielle et temporelle (dire l’heure, se rappeler les mois de l’année), et surtout la présence de troubles de la coordination motrice et de troubles de l’équilibre (Fawcett & Nicolson, 1999). Or, tous ces symptômes se trouvent également être des manifestations classiques de dysfonctions du cervelet. Parallèlement, tout un pan de la recherche développée durant les années 1980 et 1990, a permis au cervelet de sortir de son statut d’organe purement moteur, en révélant un domaine d’intervention beaucoup plus vaste, incluant de nombreuses fonctions cognitives (Schmahmann & Sherman, 1997 ; Schmahmann, 1997).

Ainsi, Fawcett et Nicolson (1999) décrivaient le tableau caractéristique de dyslexie comme «un déficit des aptitudes phonologiques, des habiletés motrices, de la rapidité du traitement d’information (Wolf 1991 ; Nicolson & Fawcett, 1994) et de l’automatisation (Nicolson & Fawcett 1990 ; Yap & Van der Leij, 1994)». Ce dernier aspect est sans doute le point le plus original du raisonnement de ces auteurs, faisant référence spécifiquement au rôle du cervelet dans l’apprentissage en général, et celui des procédures en particulier. C’est donc sur ces bases qu’a été postulée la théorie cérébelleuse de la dyslexie (Nicolson et al., 1995, 2001). Un certain nombre d’éléments expérimentaux sont venus à l’appui d’une théorie essentiellement basée sur l’intuition clinique : en premier lieu, certains travaux anatomiques, sur le cerveau post-mortem (Finch et al., 2002) et à l’aide de diverses méthodes d’imagerie (Brown et al., 2001 ; Leonard et al., 2001 ; Rae et al., 2002 ; Eckert et al., 2003), ont pointé une anomalie au niveau du cervelet chez le dyslexique. Assez paradoxalement, c’est une étude démontrant une hypoactivation cérébelleuse lors de tâches purement motrices (apprentissage d’une série de mouvements des doigts) chez l’adulte dyslexique, qui a véritablement fait connaître la théorie cérébelleuse (Nicolson et al., 1999). En revanche, bien que le cervelet soit classiquement activé lors de la lecture chez les normo-lecteurs (Fiez & Petersen, 1998), il n’a pratiquement jamais été publié de déficit d’activation du cervelet lors de la lecture chez les dyslexiques, hormis dans une étude concernant la lecture du Braille (Gizewski et al., 2004).