6.4.1. Études anatomo-pathologiques ou morphologiques

Les études anatomo-pathologiques ou morphologiques réalisées chez des adultes dyslexiques ont suggéré l’existence de particularités architecturales. Entre 1979 et 1985, Galaburda et ses collaborateurs ont été les premiers à examiner au microscope, post-mortem, le cerveau de huit anciens dyslexiques. Ils ont alors découvert de multiples petites malformations à la surface de leur cerveau : des dysplasies (disposition anarchique au sein des couches cellulaires), des ectopies (amas de milliers de neurones en position aberrante à la surface du cortex) présentes surtout dans la région périsylvienne gauche traduisant une migration anormale des neurones en cours de maturation, et aussi des polymicrogyri (accumulations focales de neurones réalisant une véritable micro-circonvolution à l’intérieur du cortex) observés surtout dans l’aire de Wernicke (Galaburda et al., 1985). Geschwind et Galaburda (1985, cités par Habib, 2002) ont proposé une explication à ces observations : ces anomalies seraient dues à un dysfonctionnement du système immunitaire conjugué à l’effet de la testostérone chez les garçons pendant la vie intra-utérine. Au niveau microscopique à partir de quelques cerveaux d’adultes dyslexiques, d’autres anomalies ont été retrouvées dans le ganglion géniculé latéral avec une réduction de taille des neurones magnocellulaires (Livingstone et al., 1991).

Selon une autre hypothèse, la dyslexie serait la conséquence d’un défaut de latéralisation du langage. Le groupe de Galaburda a par exemple relevé chez certains dyslexiques une réduction de l’asymétrie d’une région du cortex temporal cruciale pour la compréhension verbale et le traitement phonologique : le planum temporale. Toutefois, Leonard et ses collègues (1993) n’ont pas retrouvé une telle différence pour le planum temporale chez d’autres dyslexiques, mais plutôt un défaut d’asymétrie dans une zone du lobe pariétal inférieur, autre région du langage importante pour les traitements phonologiques. En effet, une lésion de cette région provoque un trouble de l’ordonnancement des phonèmes et des syllabes.

Une autre théorie envisage, chez les dyslexiques, un défaut de transfert d’informations entre les deux hémisphères. Leur corps calleux (structure médiane servant à la connectivité cérébrale) possèderait en effet une particularité : il serait beaucoup plus épais et plus grand que celui des témoins, reflétant donc un nombre anormalement élevé de neurones (Habib, 2002). Toutefois, il est très difficile de se baser seulement sur ces observations à cause de la très grande variabilité inter-individuelle.

Ces résultats ont encouragé la recherche sur les bases neurologiques de la dyslexie. Les symptômes dyslexiques dans leur diversité pourraient dépendre de la localisation des anomalies micro-structurales, puisque ces dernières, variables dans leur localisation, pourraient venir perturber l’une ou l’autre des zones essentielles pour le transfert optimal de l’information à travers les réseaux sous-tendant les fonctions du langage ; chez l’enfant, cette perturbation pourrait concerner les réseaux de la lecture en voie de mise en place, nuisant à l’automatisation du transcodage des informations visuelles vers les régions codant la phonologie et réciproquement. À partir d’un modèle de souris, l’équipe de Galaburda (Jenner et al., 2000) notait des anomalies de la connectivité secondaires à des ectopies neuronales. Enfin, des études morphométriques chez les dyslexiques ont rapporté des anomalies de l’architecture cérébrale (Habib, 2000 ; Leonard et al., 2001 ; Rae et al., 2002 ; Eckert et al., 2003).