6.4.2.3. Imagerie fonctionnelle et test des hypothèses physiopathologiques des dyslexies

Dans la mesure où le déficit phonologique constitue un facteur étiologique prédominant dans la dyslexie, la majorité des études en imagerie fonctionnelle ont évalué ces processus à partir de tâches de rimes (Rumsey et al., 1997 ; Simos et al., 2000b), de tâches de mémoire verbale de travail (Paulesu et al., 1996) ou lors de la présentation auditive de stimuli verbaux (Rumsey et al., 1992 ; Simos et al., 2000a). La plupart des études ont montré un hypofonctionnement des régions périsylviennes plutôt gauches. Paulesu et al. (1996) suggéraient que le pattern observé chez les dyslexiques peut être en rapport avec une déconnexion dans le circuit péri-sylvien gauche. Une équipe a étudié en IRMf la perception catégorielle des phonèmes. Les dyslexiques présentaient une diminution de l’activité dans le gyrus supra-marginalis gauche (Ruff et al., 2002), une région clé dans les processus phonologiques (Démonet et al., 1996).

Dans plusieurs études, des arguments concordants pour un dysfonctionnement du système visuel magnocellulaire ont été rapportés. Par exemple, Eden et al. (1996)retrouvaient un défaut d’activation de l’aire MT/V5 durant une tâche de détection de mouvement et mettaient en évidence une corrélation entre le niveau d’activation de l’aire V5 et la vitesse de lecture chez les dyslexiques et les normo-lecteurs. Toutefois, d’autres études n’ont pas confirmé ces résultats (Johannes et al., 1996 ; Vanni et al., 1997 ; Amitay et al., 2002). Les effets du système magnocellulaire paraissent en fait subtils et mis en évidence uniquement sous certaines contraintes expérimentales (Bednarek & Grabowska, 2002).

Temple et al. (2003) étudiaient en IRMf la réponse cérébrale à des variations rapides de la trace acoustique du signal de parole et montraient chez les normo-lecteurs une augmentation de l’activation au niveau de la région frontale inférieure gauche et de l’hémisphère cérébelleux droit lors de variations rapides comparativement à des changements plus lents du signal acoustique. Chez les dyslexiques, les auteurs notaient une augmentation de l’activation dans ces mêmes régions pour des variations lentes. De façon similaire, Nagarajan et al. (1999) retrouvaient une diminution de la M100 obtenue en MEG en réponse à des stimuli acoustiques présentant des changements rapides chez des dyslexiques, alors qu’ils présentaient une M100 d’amplitude plus large que les témoins pour des stimuli plus lents. Ces effets étaient également étudiés avec des syllabes naturelles (ma/na), qu’elles soient modifiées ou non par un étirement des transitions formantiques (Ruff et al., 2002). Les régions cérébrales sensibles aux changements acoustiques étaient identifiées comme étant la région frontale gauche et le ralentissement de la parole entraînait une augmentation d’activation dans cette région pour les dyslexiques. Toutefois, le niveau d’activation de la région du gyrus supra-marginalis gauche n’était pas influencé par ces variations de signal acoustique, alors que cette région est habituellement le siège d’un défaut d’activation chez les adultes dyslexiques. Deux effets importants impliqués dans les mécanismes de base de la dyslexie étaient identifiés par cette étude : l’activité neuronale était augmentée par le ralentissement de la parole dans certaines régions cérébrales et le défaut d’activité neuronale dans l’aire du gyrus supra-marginalis serait le support du déficit phonologique dans la dyslexie.

La MMN (Mitch Match Negativity) joue un rôle important dans l’exploration de l’hypothèse de déficits perceptifs. Cette composante neurophysiologique est obtenue pour tout changement identifiable lors d’une tâche auditive de répétition de stimuli indépendamment du niveau d’attention du participant (Kujala & Naatanen, 2001), suggérant un processus de type automatique. Les études initiales chez l’enfant présentant un trouble des apprentissages montraient une diminution de l’amplitude de la MMN mais la spécificité de cet effet paraît incertaine : la diminution de la MMN est liée au caractère linguistique des stimuli pour Schulte-Körne et al. (1998) , l’anomalie de la MMN semble sensible à un facteur phonétique particulier, le temps de voisement (différence dans le décours temporel des événements acoustiques successifs entre « ga » et « ka » par exemple) pour Kraus et al. (1996), alors que Baldeweg et al. (1999) identifie cette anomalie lors d’une condition faisant varier un facteur non pas temporel mais spectral : la hauteur tonale. Ces résultats pourraient refléter des corrélats neurophysiologiques des troubles de la discrimination des sons de la parole chez le dyslexique, bien que le déterminisme de ces troubles paraisse variable. Il faut noter que Giraud et al. (2005) ont confirmé l’existence d’un trouble du traitement temporel du signal de parole (absence d’une composante électrophysiologique associée de façon caractéristique en français au son de pré-voisement du phonème «b»), mais seulement dans un sous-groupe de dyslexiques présentant des troubles sévères, alors qu’un autre sous-groupe également sévèrement déficitaire présentait un profil électrophysiologique caractérisé non par l’absence de cette composante mais par des composantes multiples.

Nicolson et al. (1999) ont utilisé la TEP lors d’un paradigme d’apprentissage d’une séquence de mouvements des doigts pour évaluer l’activation cérébrale chez des dyslexiques et témoins. Ils montraient une diminution de l’activation cérébrale au niveau de l’hémisphère cérébelleux droit et du cortex frontal inférieur gauche chez les dyslexiques par rapport aux témoins. Ces anomalies corroborent les anomalies métaboliques au niveau de l’hémisphère cérébelleux droit retrouvées chez les dyslexiques lors d’une étude en spectro-IRM (Rae et al., 1998). Néanmoins, si des anomalies de l’activation des régions cérébelleuses sont parfois retrouvées lors d’études en imagerie fonctionnelle chez les dyslexiques, elles ne sont pas toujours interprétées (Brunswick et al., 1999).

Globalement, l’ensemble très important de données accumulées ces dernières années est caractérisé par la grande diversité des anomalies rapportées dans la mesure où des publications sont venues à l’appui de chacune des théories concurrentes pour rendre compte de la physiopathologie des dyslexies.