Organisation catégorielle des traits phonologiques en lecture.

Les expériences précédentes ne manipulent que la ressemblance phonétique de voisement entre les deux consonnes d’un stimulus écrit C1VC2V. Une nouvelle série d’expériences propose ici de vérifier que les lecteurs sont sensibles au partage de différents types de traits phonologiques par les consonnes de stimuli écrits : le voisement, mais aussi des traits de mode ou de lieu d’articulation.

L’Expérience 5a tentera tout d’abord de répliquer l’effet du partage de traits de voisement, dans une tâche de lecture imposant un traitement très rapide et précis de la position des lettres, puis l’Expérience 5b testera la sensibilité des lecteurs au partage du trait de mode. Ces deux expériences sont associées à plusieurs hypothèses, basées sur le modèle de lecture que nous proposons et selon lequel les adultes bons lecteurs élaborent une organisation des phonèmes intégrant des relations d’inhibition latérale dont le poids varie avec les traits phonologiques partagés par les phonèmes. Nous supposons tout d’abord que les lecteurs adultes identifieront moins bien la consonne C2 dans un pseudo-mot C1VC2V si C1 et C2 partagent la même valeur de voisement que si elles diffèrent sur ce point, même lorsque la tâche impose un traitement précis de la position des lettres ( Hypothèse 8 , Expérience 5a). Selon l’ Hypothèse 9 , nous supposons que, dans les mêmes conditions, les lecteurs adultes identifieront mieux la consonne C1 dans un pseudo-mot C1VC2V présenté rapidement si C1 et C2 partagent la même valeur de voisement que si elles diffèrent sur ce point (Expérience 5a), grâce à une réduction de l’effet de masquage produit par C2 sur C1. De façon analogue, nous posons l’ Hypothèse 10 d’une moins bonne identification de C2 par les lecteurs adultes si C1 et C2 partagent la même valeur de mode (fricatif ou occlusif) que si elles diffèrent sur ce point(Expérience 5b). Leslecteurs adultes devraient également mieux identifier la consonne C1 si elle partage avec C2 la même valeur de mode (fricatif ou occlusif) ( Hypothèse 11 ).

Enfin, l’Expérience 5c teste dans une même épreuve la sensibilité des lecteurs à trois types de similarité infra-phonémique : le partage de traits de voisement, de lieu ou de mode. Il s’agit alors de trouver de nouveaux arguments en faveur d’une organisation non-linéaire des traits phonologiques. Etant donné que des travaux réalisés en perception et en production de parole montrent que l’influence de la ressemblance phonologique entre des unités successives varie selon les types de traits impliqués, nous prédisons que l’effet du partage de traits en lecture suit aussi cette règle. Les travaux en perception et production de parole permettent d’ériger le mode d’articulation au sommet de la hiérarchie des catégories de traits, la position relative du lieu et du voisement étant plus variable selon les situations expérimentales. Cela nous conduit à formuler l’ Hypothèse 12  : les lecteurs devraient être davantage sensibles au partage de traits phonologiques par les consonnes d’un stimulus écrit si ces traits relèvent du mode d’articulation plutôt que du lieu d’articulation ou du voisement (Expérience 5c).