1.1. Méthode

a. Participants . Trente-six enfants dyslexiques ont participé à cette expérience (67% de garçons, 33% de filles ; âge moyen = 10 ans 11 mois, écart-type = 1 an 3 mois). Ces enfants ont été testés au Centre Hospitalier Lyon-Sud 1 , à l’Hôpital Debrousse2 et à l’Hôpital Femme-Mère-Enfant3 dans le cadre d’un programme de recherche et d’un bilan neuropsychologique au Centre de Référence des Troubles des Apprentissages pour lesquels ils étaient convoqués sur une journée. Tous étaient de langue maternelle française, et avaient avec ou sans correction une vue normale. Nous avons pour chacun d’entre eux rempli une version abrégée du test de latéralité manuelle Edinburgh Handedness Inventory (Oldfield, 1971) : 87% étaient droitiers et 13% gauchers (indice moyen de latéralité manuelle = 84%, écart-type = 18%).

La passation individuelle de l’expérience était précédée d’un bilan neuropsychologique de langage écrit, permettant de diagnostiquer le type de dyslexie. Ce bilan comportait une épreuve de lecture de mots et non-mots (BALE), une dictée de mots et non-mots (BALE), sept épreuves de conscience phonologique(extraites de l’Odédys et du BALE, Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages – IUFM Grenoble, 1999), et une à trois épreuves visuo-attentionnelles (Valdois et al., 2003). Par ailleurs, pour chaque enfant, un test psychométrique était demandé au préalable, ainsi qu’un bilan auditif et ophtalmologique, afin d’exclure un retard intellectuel ou un trouble sensoriel. Pour chacun d’entre eux également, le neuropsychologue remplissait avec les parents les critères du DSM-IV concernant le trouble attentionnel avec ou sans hyperactivité, afin d’exclure la présence d’un tel trouble.

Parmi les 36 enfants testés, 23 présentaient une dyslexie avec trouble phonologique, et 13 une dyslexie sans trouble phonologique. Par ailleurs, pour 26 d’entre eux, nous avons pu procéder à un appariement deux à deux, en âges chronologique et lexique, des enfants dyslexiques avec troubles phonologiques (moyenne d’âge chronologique = 10 ans 10 mois ; moyenne d’âge lexique = 8 ans) et des enfants dyslexiques sans troubles phonologiques (moyenne d’âge chronologique = 10 ans 8 mois ; moyenne d’âge lexique = 8 ans 1 mois).

b. Stimuli. La liste expérimentale était constituée de 96 pseudo-mots bisyllabiques de structure CVCV, composés de 4 lettres et de 4 phonèmes. Pour la moitié des stimuli (48), la lettre à détecter était la 1ère consonne (C1) ; pour l’autre moitié (48), il s’agissait de la 2ème (C2). Chaque ensemble de 48 stimuli était réparti en 4 conditions expérimentales : 12 contenaient deux consonnes sonores, 12 deux consonnes sourdes, 12 une sonore puis une sourde, et 12 une sourde puis une sonore. Les mêmes consonnes sourdes /t, p, k, f, s, ᶴ/, et les mêmes consonnes sonores /d, b, g, v, z, ᴣ / ont été utilisées en 1ère et en 2ème position. Dans une condition donnée (e.g., cible 1ère consonne - pseudo-mot SN-SN), chaque consonne cible (e.g., /d/) était représentée par 2 pseudo-mots (e.g., duba et duga) pour lesquels elle était associée à 2 consonnes différentes (ici, /b/ et /g/). De plus, ces deux mêmes combinaisons de consonnes étaient utilisées dans la condition SN-SN avec cible en 2ème consonne (i.e., buda et guda), de façon à ce que les conditions soient vraiment comparables entre elles. Le Tableau II présente un exemple pour chaque condition expérimentale, chacune contenant 12 stimuli :

Tableau II : Exemples pour les 8 conditions expérimentales de l’Expérience 1 (SN = sonore ; SD = sourd).
Rang de la Cible 1 ère consonne 2 ème consonne
Condition expérimentale SN-SD SN-SN SD-SN SD-SD SD-SN SN-SN SN-SD SD-SD
Exemple boki duga fozi puta cubo guda zufo tupa

S’ajoutaient à cette liste des distracteurs choisis de façon à ce que l’emplacement de la lettre cible ne puisse être prédit : ils contenaient en effet les mêmes consonnes que les stimuli expérimentaux, mais la question portait sur une lettre cible différente. Sur l’ensemble de la liste, 50% des réponses correctes étaient positives et 50% négatives.

Les stimuli ont été répartis en 6 blocs, comptant chacun 32 essais. L’ordre des blocs variait systématiquement entre les participants selon la méthode des carrés latins.

c. Matériel et Procédure. Chacun des enfants dyslexiques était testé individuellement dans une pièce insonorisée, installé à 57 cm de l’écran d’un ordinateur portable MacintoshIbook. Il devait réaliser une tâche de détection de lettre.

Comme l’illustre le Tableau III, chaque essai commençait par l’apparition, au centre de l’écran, d’un point de fixation (+) en gras, style Courier et taille 48, d’une durée de 1500 ms, immédiatement remplacé par un pseudo-mot écrit en minuscules, en style Courier et taille 24 (un stimulus CVCV couvrant 2.6° d’angle visuel). Ce pseudo-mot était présenté 85 ms, puis immédiatement remplacé par un masque (XXXXXXXX) d’une durée de 16 ms. Apparaissait enfin une lettre majuscule, écrite en style Courier et taille 48, située un peu en dessous mais toujours centrée : cette lettre restait à l’écran jusqu’à ce que le participant ait appuyé sur l’une des deux clés de réponse désignées pour décider si la lettre était présente ou non dans le pseudo-mot. Il était demandé au participant de répondre le plus exactement et le plus rapidement possible. L’expérience commençait par une série de 10 essais et durait 20 minutes.

Tableau III : Procédure utilisée pour l’Expérience 1.
Evénements + Pseudo-mot XXXXXXXX LETTRE
Temps de présentation 1500 ms 85 ms 16 ms Jusqu’à la réponse

Notes
1.

Service de Neuropédiatrie du Pr. David, consultations pédiatriques, Pierre-Bénite (69).

2.

Unité de Neuropédiatrie du Pr. des Portes, consultations neuropsychologiques, Lyon (69).

3.

Service de Neuropédiatrie du Pr. des Portes, consultations neuropsychologiques, Bron (69).