2. Sensibilité à la ressemblance de voisement en lecture chez l’adulte : Expériences 2a, 2b et 2c (présentation simultanée) ; Expériences 3a et 3b (présentation divisée)

Une série d’expériences, menées auprès d’une population d’adultes normo-lecteurs, vise à préciser les conditions nécessaires à l’apparition de deux effets pouvant être produits par le partage de traits phonologiques par les consonnes d’un stimulus écrit C1VC2V.

Rappelons que, d’après le modèle que nous proposons, inspiré du modèle d’activation interactive (McClelland & Rumelhart, 1981), ces deux mécanismes ne se déroulent pas au même rythme ; l’un serait très rapide, l’autre aurait besoin de plus de temps pour s’établir et viendrait masquer les effets du précédent. Nous souhaitons avant tout préciser le décours temporel de ces traitements et estimer les durées de présentation visuelle permettant de développer l’un et l’autre de ces mécanismes.

Aucune donnée n’a jusqu’ici permis d’affirmer que le plus rapide de ces deux mécanismes se produit en cas de ressemblance de voisement, chez des lecteurs de niveau normal. Pour tester l’hypothèse de son existence, nous utilisons une durée de présentation variable, de 33, 66 et 100 ms pour le stimulus. Nous prédisons que les indices de l’intervention de ce premier mécanisme pourraient apparaître pour la durée de présentation la plus brève (33 ms). Par contre, avec une présentation excédant 50 ms, le second mécanisme viendrait le court-circuiter, annulant les traces de son intervention comme cela se produisait dans l’Expérience 1(avec une présentation de 50 ms chez l’adulte, voir paragraphe 3.2. du chapitre 1 et voir Bedoin, 2003). En cas de partage de trait, nous avons vu que le premier mécanisme est censé se manifester par une amélioration du traitement de la deuxième consonne. Notre hypothèse opérationnelle est donc que le partage du trait de voisement par C1 et C2 améliorera le traitement de C2 avec une durée de présentation de 33 ms (hypothèse 3, Expérience 2a).

Le deuxième mécanisme est quant à lui censé induire une détérioration du traitement de C2 et une amélioration du traitement de C1 en cas de partage de traits phonologiques par les deux consonnes. Nous prédisons donc que de tels effets pourraient se manifester avec des durées de présentation de 66 ou de 100 ms en cas de partage du voisement (hypothèse 4, Expériences 2b, 2c).

Enfin, les deux mécanismes que nous étudions sont appréhendés dans un contexte particulier, qui se rapproche d’une situation de lecture normale, en ce sens que le traitement de C1 se fait en présence de C2 au sein du stimulus CVCV. La présence simultanée des deux syllabes n’est peut-être pas anodine dans le déclenchement du deuxième mécanisme. La mise en œuvre de relations d’inhibition latérale pourrait être favorisée par cette concurrence directe et d’emblée évidente entre les lettres en présence. Aussi pouvons-nous imaginer qu’une présentation successive de chacune des syllabes n’encouragerait pas le développement du mécanisme basé sur les relations d’inhibition latérale et permettrait un traitement plus indépendant des deux syllabes. Notre hypothèse est que le mécanisme basé sur les inhibitions latérales ne se développera pas suffisamment pour réduire les performances sur le traitement de C2 en cas de partage de voisement, si C1 disparaît avant C2. En revanche, la plus grande rapidité de déclenchement du premier mécanisme lui permettrait de se produire, même dans de telles conditions. C’est pourquoi nous prédisons que le partage du voisement pourrait faciliter le traitement de C2 en cas de présentation successive des deux syllabes d’un pseudo-mot C1VC2V, pour une durée de présentation de 50 ms (hypothèse 5), durée qui induisait au contraire, dans l’Expérience 1, une réduction des performances sur C2 lors d’une présentation simultanée des syllabes. Cette hypothèse sera testée avec une durée de présentation de 50 ms pour chacune des syllabes (Expérience 3a) et une durée de 66 ms (Expérience 3b).