2.3.3. Discussion

Nous retrouvons un effet important du rang de la consonne, indiquant que les lecteurs effectuent un traitement séquentiel des pseudo-mots : la première consonne (C1) est mieux et plus rapidement identifiée que la deuxième (C2). Cet effet rejoint les données de la littérature (Juphard et al., 2006).

En augmentant le temps de présentation du pseudo-mot dans cette Expérience 2c, nous observons toujours une gêne de la ressemblance de voisement pour le traitement de C2, ainsi opposée à une facilitation pour celui de C1. Ce résultat pourrait témoigner de l’implication d’un niveau organisé par des relations d’inhibition latérale entre phonèmes.

L’ensemble de ces trois expériences (Expériences 2a, 2b et 2c), qui ne diffèrent qu’au niveau du temps de présentation, donnent donc lieu à des configurations de résultats similaires. La première consonne du stimulus CVCV est mieux identifiée si elle suivie d’une deuxième consonne qui partage son voisement, et la deuxième est moins bien traitée si elle est précédée d’une consonne de même voisement. Nous proposons d’interpréter ces effets sont interprétés en terme d’intervention de relations d’inhibition latérale entre phonèmes se ressemblant du point de vue des traits phonologiques, décrites dans notre modèle (Bedoin, 2002 ; Bedoin & Krifi, 2009).

Ainsi, si un niveau de connaissances phonémiques organisé par des relations d’inhibition latérale pondérées par des ressemblances de voisement participe au traitement des lettres d’un pseudo-mot écrit, cette intervention se produit dès 33 ms (Expérience 2a) et persiste avec un temps de présentation plus long de 66 ms (Expérience 2b) et de 100 ms (Expérience 2c). Notre hypothèse 4 est donc vérifiée : nous apportons un argument supplémentaire à l’existence de relations intra-niveau inhibitrices entre les phonèmes, second mécanisme intervenant en lecture décrit dans notre modèle chez les adultes bons lecteurs (Bedoin, 2003 ; Bedoin & Krifi, 2009).

Mais, nous ne disposons toujours pas de résultats attestant de l’implication d’un premier mécanisme décrit dans notre modèle chez l’adulte. Nous allons maintenant tenter de la mettre en évidence dans une expérience entravant le cours normal des traitements par une interruption de la présentation de la première syllabe avant l’apparition de la seconde. Dans cette nouvelle procédure, la présentation temporellement séparée des deux syllabes du stimulus CVCV pourrait entraver la mise en jeu du deuxième mécanisme phonologique, basé sur les inhibitions latérales, et laisser l’occasion d’observer les effets d’un mécanisme phonologique antérieur (Expérience 3a).