4. Sensibilité à différents types de traits phonologiques en lecture chez l’adulte : Expériences 5a, 5b, 5c

L’objectif de cette série de trois expériences est de poursuivre l’étude de la sensibilité des lecteurs adultes au partage de traits phonologiques par les consonnes de stimuli écrits.

Contrairement aux expériences précédentes, la tâche imposera cette fois un codage plus précis de la position des lettres. Dans lesExpériences 1, 2 et 3, une réponse pouvait être considérée comme correcte dès que le participant décidait que la lettre cible était présente dans le pseudo-mot qui la contenait. Il pouvait cependant fournir une telle réponse correcte en croyant avoir vu la lettre cible à un emplacement où elle n’était pourtant pas. Pour limiter ce problème, la cible est cette fois une syllabe présentée dans une position précise, et la question porte sur sa présence à cette place dans le pseudo-mot. Par exemple, la cible BA est présentée sous la partie gauche d’un trait lorsque la question est « la syllabe BA était-elle la première syllabe du pseudo-mot ? », alors qu’elle est présentée sous la partie droite d’un trait si la question porte sur la seconde syllabe.

Outre l’introduction de cette précaution supplémentaire, cette série d’expériences aborde un nouvel aspect des effets de ressemblance infra-phonémique en lecture. Il s’agit de vérifier que les lecteurs sont sensibles au partage de différents types de traits phonologiques par les consonnes de stimuli écrits, et non plus seulement à la ressemblance de voisement. L’Expérience 5a tentera tout d’abord de répliquer l’effet du partage de traits de voisement, puis l’Expérience 5b testera la sensibilité des lecteurs au partage du trait de mode. Ces deux expériences sont associées à plusieurs hypothèses, basées sur le modèle de lecture que nous proposons et selon lequel les adultes bons lecteurs ont élaboré une organisation des phonèmes intégrant des relations d’inhibition latérale dont le poids varie avec les traits phonologiques partagés par les phonèmes :

Nous nous intéressons à la sensibilité des lecteurs à d’autres traits que le voisement, non seulement pour étendre la portée de l’interprétation des effets de ressemblance infra-phonémique en lecture, mais aussi parce que cela offre l’opportunité de tester la nature véritablement phonologique des effets observés. Etant donné que des travaux réalisés en perception de parole et en production de parole montrent que l’influence de la ressemblance infra-phonémique varie selon les types de traits impliqués, nous prédisons que l’effet du partage de traits phonologiques en lecture suit des règles de même nature. Les travaux portant sur ces aspects en perception et production de parole ne permettent pas de dégager une hiérarchie très claire entre les traits de mode, de voisement et de lieu d’articulation. Nous avons toutefois vu que l’examen de la littérature permet d’ériger le mode d’articulation au sommet de cette hiérarchie, la position relative du lieu et du voisement étant plus variable selon les situations expérimentales. L’hypothèse générale que nous défendons dans cette thèse et selon laquelle l’identification de lettres dans des stimuli écrits est modulée par le partage de traits phonologiques entre la lettre cible et celles du contexte, conduit à formuler l’hypothèse suivante :

Dans cette série, l’Expérience 5c introduit pour la première fois la ressemblance de lieu d’articulation comme variable. Elle compare directement l’influence du partage de traits de mode, de voisement et de lieu, en proposant une condition contrôle où les deux consonnes ne partagent aucun trait, et trois conditions dans lesquelles un seul trait est partagé (dans une condition il s’agit du mode, dans une autre du lieu et dans une autre du voisement). Les résultats de cette expérience pourraient donc apporter de nouveaux éléments permettant de discuter les Hypothèses 8 à 12.

Pour finir, contrairement aux Expériences 5a et 5b, dans lesquelles les deux consonnes partagent toujours au minimum le même mode d’articulation, ce n’est pas le cas dans l’Expérience 5c. Il sera ainsi possible d’évaluer si d’éventuels effets de partage de voisement dans l’Expérience 5a perdurent dans une situation où les consonnes ne partagent pas, à la base, le même mode (Expérience 5c). Cela témoignerait de la stabilité de l’effet. De même, nous pourrons évaluer si d’éventuels effets de partage de mode dans l’Expérience 5b perdurent dans une situation où les consonnes ne partagent pas le même voisement (Expérience 5c).