5.1.1. Méthode 

a. Participants. Trente-six étudiants en Psychologie de l'Université Lumière Lyon 2 ont participé à cette expérience (17% garçons et 83% filles ; âge moyen = 25 ans 7 mois, écart-type = 8 ans 9 mois). Vingt-six étudiants ont passé l’Expérience 6a en modalité visuelle, et dix en modalité audio-visuelle. Tous ont rempli une version abrégée du test de latéralité manuelle Edinburgh Handedness Inventory (Oldfield, 1971) : nous n'avons gardé que les droitiers dont le degré de latéralité est supérieur à 75% (indice moyen de latéralité manuelle = 90%, écart-type = 8%). Tous étaient de langue maternelle française et avaient une vue normale avec ou sans correction. Ils estimaient ne pas avoir rencontré de problème particulier dans l’apprentissage de la lecture.Nous n'avons retenu que ceux qui n'avaient aucune connaissance en linguistique et psycholinguistique, ainsi 2 étudiants ont été exclus pour la version en modalité visuelle (N = 24) car ils avaient une formation universitaire en sciences du langage.

b. Stimuli. La liste était constituée de 3 blocs de 48 triplets de syllabes CV (soit un total de 144 triplets), toutes composées de la voyelle /a/ précédée d’une consonne qui était une des 12 occlusives ou fricatives de la langue française, selon la classification établie par Clements (tableau Ide la partie théorique). Chaque essai expérimental était constitué de 3 syllabes CV : une syllabe-cible et deux syllabes-choix. Chacune des deux syllabes-choix partageait avec la syllabe-cible un seul trait phonologique. Dans le bloc 1, chaque triplet opposait la ressemblance de mode à la ressemblance de lieu ; dans le bloc 2, la ressemblance de mode à celle de voisement ; et dans le bloc 3, la ressemblance de voisement à celle de lieu.

Dans le bloc 1, concernant la ressemblance de mode, pour chaque syllabe-cible (e.g., /ka/) il y avait deux possibilités de syllabe-choix (e.g., /ba/ ou /da/) ; en revanche, pour la ressemblance de lieu, il n’y avait qu’une seule possibilité pour chaque consonne (e.g., /ᴣa/ pour la cible /ka/). Ainsi, pour chaque cible (e.g., /ka/), deux triplets de syllabes étaient possibles (/ka/-/ba/-/ᴣa/ ou /ka/-/da/-/ᴣa/). Dans la liste, chacun de ces triplets était représenté 2 fois, avec contrebalancement de la disposition gauche-droite des syllabes-choix, chaque cible apparaissant ainsi 4 fois. Le Tableau VIII présente un exemple pour le bloc 1.

Tableau VIII : Exemple pour le bloc 1 (la syllabe en gras est la cible).
Ressemblance de mode Ressemblance de lieu
Exemple /ka/ -/ba/ /ka/ - /ᴣa/

Dans le bloc 2, concernant la ressemblance de voisement, pour chaque syllabe-cible (e.g., /pa/), il y a deux possibilités de syllabes-choix (e.g., /sa/ ou /∫a/) ; deux syllabes-choix sont également possibles pour la ressemblance de mode (e.g., /da/ ou /ga/ pour la cible /pa/). Pour chaque cible (e.g., /pa/), quatre triplets sont donc possibles (/pa/-/sa/-/da/ ou /pa/-/sa/-/ga/, ou encore /pa/-/∫a/-/da/ ou /pa/-/ ∫a/-/ga/). Chaque cible apparaissait ainsi 4 fois. Le Tableau IX présente un exemple pour le bloc 2.

Tableau IX : Exemple pour le bloc 2 (la syllabe en gras est la cible).
Ressemblance de voisement Ressemblance de mode
Exemple /pa/ -/sa/ /pa/ -/da/

Dans le bloc 3, le lieu d’articulation est représenté dans l’expérience par trois valeurs pour les consonnes occlusives (bilabiales - /p, b/ ; dentales – (t, d) ; vélaires - /k, g/) et trois valeurs pour les fricatives (labiodentales - /f, v/ ; dentales - /s, z/ ; post-alvéolaires /ᶴ, ᴣ/). Pour simplifier les analyses, nous avons réparti les consonnes en trois catégories, la première (que nous appellerons désormais labiale) rassemble /p, b, f, v/, la deuxième (désormais dentale) est composée de /t, d, s, z/ et la troisième (désormais vélo-palatale) contient /k, g, ᶴ, ᴣ/.Pour chaque syllabe-cible (e.g., /za/), deux syllabes-choix sont possibles pour la ressemblance de voisement (e.g., /ba/ ou /ga/) ; en revanche, concernant la ressemblance de lieu, une seule syllabe-choix est possible (e.g., /ta/ pour la cible /za/). Ainsi, pour chaque syllabe-cible (e.g., /za/), deux triplets de syllabes sont possibles (e.g., /za/-/ba/-/ta/ ou /za/-/ga/-/ta/). Dans la liste, chacun de ces triplets était représenté 2 fois, chaque cible apparaissant donc 4 fois. Le Tableau X présente un exemple pour le bloc 3.

Tableau X : Exemple pour le bloc 3 (la syllabe en gras est la cible).
Ressemblance de voisement Ressemblance de lieu
Exemple /za/ -/ba/ /za/ -/ta/

c. Matériel et Procédure. Avant de commencer l’épreuve, les participants ont rempli un formulaire de consentement et la version abrégée du test de latéralité. Ils étaient testés individuellement dans une pièce insonorisée, assis à 57 cm de l’écran d’un ordinateur portable Macintosh ibook.

La syllabe-cible était présentée au centre de l’axe horizontal de l’écran de l’ordinateur, mais dans la partie inférieure de celui-ci, la première syllabe-choix en haut à gauche, et la seconde syllabe-choix en haut à droite. Chaque essai commençait par l’apparition d’un point de fixation (+) en bas de l’écran, en gras, style Courier, taille 48, pendant 1500 ms. Il était immédiatement remplacé par la syllabe-cible, en style Courier et taille 24, présentée pendant 2000 ms avant l’apparition de la première syllabe-choix, qui apparaissait en haut à gauche de l’écran, en style Courier et taille 24, pendant 2000 ms avant la présentation de la deuxième syllabe-choix, présentée en haut à droite de l’écran, en style Courier et taille 24. A l’apparition de chaque nouvelle syllabe du triplet, la (les) précédente(s) restai(en)t à l’écran. Les trois syllabes restaient à l’écran jusqu’à ce que le participant ait appuyé sur l’une des deux clés de réponse désignées pour choisir entre les deux syllabes-choix celle qui, selon lui, ressemblait le plus à la syllabe-cible du point de vue de la représentation du son qui lui correspondait. Entre la réponse et l’apparition du point de fixation de l’essai suivant s’écoulaient 1500 ms. Dans la version seulement visuelle, il était demandé au participant de lire les syllabes « en les prononçant dans sa tête », de répondre le plus rapidement possible, et de ne se baser que sur la représentation du son. Dans la version audio-visuelle, le participant entendait chacune des syllabes dans un casque au moment où elle apparaissait à l’écran. L’expérience durait 25 minutes pour l’ensemble des trois blocs.

Dans chaque bloc de l’Expérience 6a, les 48 triplets étaient répartis en 4 mini-blocs, comptant chacun 12 essais. L’ordre des mini-blocs dans chaque bloc variait systématiquement entre les participants selon la méthode des carrés latins, et l’ordre des blocs (1,2,3) variait selon cette même méthode tous les 4 participants.