1.1. L’enquête ENVEFF

C’est la première enquête statistique réalisée en France de mars à juillet 2000 sur les violences envers les femmes auprès d’un échantillon représentatif de 6.970 femmes âgées de 20 à 59 ans, résidant en Métropole et vivant hors institutions. L’enquête ENVEFF (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France) a été commanditée par le Service des Droits des Femmes et le Secrétariat d’Etat aux droits des femmes. Coordonnée par l’Institut de démographie de l’Université de Paris I (IDUP), elle a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs appartenant au CNRS, à l’INED, à l’INSERM et aux Universités.6

Elle a été effectuée par téléphone selon une stricte confidentialité et dans un anonymat total. La passation du questionnaire durait environ 45 minutes. Les mots agression ou violence ne sont jamais utilisés, seuls des faits, des actes sont évoqués. Dans chacun des trois cadres de vie (Espace public, travail, couple), on recueille pour les douze derniers mois la présence ou non de faits établis selon différentes formes de violence formant un continuum (Fougeyrollas-Schwebel D. & Jaspard M., 2002) :

  • Les agressions physiques
  • Les avances sexuelles
  • Les agressions sexuelles
  • Les pressions psychologiques (Harcèlement psychologique, contrôles, dévalorisation, dénigrement…).

Les résultats sont les suivants :

Tableau 1 – Répartition des faits de violence.
  ESPACE PUBLIC N = 6970 TRAVAIL
N= 4756
COUPLE
N= 5908
Agressions verbales 13,2 % 8,5 % 4,2 %
Agressions physiques   0,6 % 2,5 %
Avances et agressions sexuelles 1,9 % 2 % 0,9 %
Pressions psychologiques   3,9 % 26,1 % 7

Source: ENVEFF, Fougeyrollas-Schwebel D. & Jaspard M., (op cit.)

ENVEFF constate d’abord que c’est dans l’intimité de l’espace conjugal que sont perpétrés le plus de violences. En totalisant tous les cadres de vie, on obtient qu’en un an, 5,8 % de femmes ont été victimes d’agressions physiques et 3,5 % d’atteintes et agressions sexuelles. En extrapolant à l’ensemble des femmes métropolitaines, l’estimation pour l’année 1999 porterait à 900.000 le nombre d’agressions physiques (Fougeyrollas-Schwebel D. et Jaspard M, op. cit.).

La moitié des agressions physiques se déroulent dans le cadre du couple actuel : ces délits sont peu déclarés aux autorités.

ENVEFF (Jaspard et al., 2003) constate aussi des taux élevés de faits de violences dans le cadre du travail et du couple concernent les femmes les plus jeunes (20 – 24 ans), moins souvent mariées et sans cohabitation avec leur partenaire : ce qui laisserait à penser que nombre de violences sont imputables à l’ex-conjoint ou lors de la phase de la relation précédant la cohabitation. Dans ces deux cas, la précarité affective et/ou économique est présente. Par ailleurs, la séparation d’avec le partenaire violent facilite grandement la déclaration des faits de violence. Le lien violences dans le couple et violences dans le travail semble pertinent, créant une multi-répétition des violences.

Explorant la question du dépôt de plainte, l’enquête ENVEFF met en évidence que ce recours intervient principalement après des violences physiques. La Police est le recours le plus fréquent après le médecin, en situation de violences conjugales.

L’indice global de violence conjugale (n = 5.908) comprenant l’ensemble des faits de violence (Insultes et menaces verbales, chantage affectif, pressions psychologiques, agressions physiques, viols et autres pratiques sexuelles imposées) est de dix (Jaspard et al., op. cit.).

Cet indice est à interpréter de la façon suivante : une femme sur dix est victime de violence conjugale – la notion de violence comprenant l’ensemble des manifestations indiquées plus haut.

L’enquête ENVEFF donne aussi un éclairage quantitatif sur le phénomène de reproduction de la violence. Parmi l’ensemble des femmes enquêtées, une sur trois a vécu au moins une situation difficile pendant son enfance (2003, p. 52) : 16 % ont constaté de graves tensions ou un climat de violence, entre leurs parents, 8 % sont entrées en conflit avec l’un d’entre eux, voire les deux, et 3 % ont enduré des sévices et des coups répétés. De plus, 11 % des femmes ont souffert de la dépendance à l’alcool ou à la drogue d’une des personnes avec qui elles vivaient. L’association entre l’alcoolisme du père et les violences entre les parents est très forte. Les femmes qui ont cumulé dans leur enfance les difficultés inventoriées présentent des taux de violences conjugales trois fois plus élevés que la moyenne. La répétition de mauvais traitements physiques, infligés au cours de l’enfance, multiplient par cinq le risque d’être en situation « très grave » de violences conjugales.

Notes
6.

Voici les noms des personnes composant l’équipe ENVEFF : Maryse Jaspard, Elizabeth Brown, Stéphanie Condon, Léon Marie Firdion, Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Annik Houel, Brigitte Lhomond, Marie Josephe Saurel Cubizolles, Marie Ange Schiltz.

7.

Les pressions psychologiques répétées comprennent le chantage affectif.