1.4. Conclusions de l’approche statistique.

Il est difficile d’évaluer précisément le niveau quantitatif des violences conjugales : entre le chiffre de 900.000 femmes victimes estimé par ENVEFF et celui de 250.000 estimé par l’OND, l’écart est important. Pourtant, à examiner de près les taux de violences, nous constatons des similitudes, notamment dans le taux de 2,5 % qui correspond pour ENVEFF au taux de violences physiques et pour l’OND celui de 2,3 % au taux des faits de violences déclarées et non déclarées. Quand on souligne que ce sont les violences physiques qui déclenchent le dépôt de plainte, nous retrouvons la même logique et la même valeur. L’écart pourrait être expliqué par une mesure des violences différente, ENVEFF prenant en compte l’ensemble des faits violents selon la notion de continuum, alors que l’OND ne prend principalement en compte que les violences physiques.

Les violences conjugales augmentent-elles ?

L’OND répond positivement à cette question : elles ont augmenté de 30 % depuis 2004. Le taux moyen des faits déclarés par département a augmenté. Depuis trois ans (de 2005 à 2007) ce serait 11.350 faits déclarés supplémentaires. Les violences conjugales évoluent au même rythme que l’ensemble des violences volontaires. Les violences sur femmes majeures par conjoint contribuent de façon croissante à cette évolution car elles constituent plus de la moitié de l’accroissement de ces violences volontaires.

Ce sont les faits de violences conjugales ayant entraîné une ITT – Incapacité Totale de Travail10 – de moins de huit jours qui ont augmenté de près de 40 % entre 2004 et 2007.

Comment expliquer cette augmentation ? Est-elle due à un nombre de victimes plus important ou à un taux de plaintes plus élevé ou encore à une attention plus importante des forces de Police ?

Le rapport sur la criminalité en France (rapport de l’OND, 2008) reprend quelques caractéristiques des victimes de violences conjugales mises en évidence par l’enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité, 2007 ». Plus de 17.000 ménages ont été questionnés.

Quant aux auteurs des violences conjugales, sur un total de 85.000 plaintes déposées par leurs victimes, près de la moitié concernent un ex-conjoint alors que les victimes d’un ex-conjoint représentent seulement près de 15% des victimes déclarées, ce qui tendrait à démontrer d’une part la difficulté du dépôt de plainte vis-à-vis d’une personne vivant sous le même toit et d’autre part l’importance de la répétition des délits dans le cas d’une séparation conjugale. Dans la grande majorité des cas de séparation et de violences, c’est la femme victime qui va porter plainte et aussi partir du domicile commun.

La description de ces auteurs qu’en font Chetcuti et Jaspard (2007) est intéressante : « Les hommes violents n’ont pas de caractéristiques sociales spécifiques. … des hommes ordinaires. Certains présentent cependant des profils psychologiques particuliers ; souvent lâches, égocentriques et égoïstes, ils souffrent, quelle qu’en soit l’origine, d’une peur de non-reconnaissance, de l’angoisse d’être abandonnés, de ne pas être aimés. Intrinsèquement, les hommes violents n’ont pas ou ont mal intégré les modifications des rapports de sexe. Lorsque les femmes tentent d’affirmer leur autonomie, les partenaires ancrés dans le système patriarcal de l’autorité masculine les accusent d’être elles-mêmes dominatrices, violentes, égoïstes » (p. 101).

Pour l’essentiel, continuent-elles, « les partenaires violents présentent à l’extérieur une image débonnaire … La négociation est exclue de l’exercice de la violence conjugale, la réplique n’est jamais possible. » (Ibidem).

En conclusion, l’enquête ENVEFF – la première - a fait enfin sortir de l’intimité obscure du foyer domestique la question de la violence faite aux femmes. Les données statistiques les plus récentes montrent l’importance de ces réalités. Mais pourquoi ce phénomène, au-delà des chiffres toujours discutables, a-t-il une telle ampleur ? Pour répondre au mieux à cette question, il faut faire appel au contexte socioanthropologique des rapports homme/femme.

Notes
10.

ITT : L’incapacité totale de travail est à distinguer de la notion d’arrêt de travail. L’ITT est évaluée par un médecin, notamment par un médecin légiste assermenté.