2.3.5. Les évolutions de la parentalité.

Les évolutions de la famille et du couple induisent-elles des changements dans les modes de la parentalité et de la paternité ? A. Fine (2002) n’hésite pas à parler de « pluri-parentalités ».

Le fait majeur, selon M. Godelier (2004), dans notre société française a été l’abolition en 1970 de la notion de « puissance paternelle » et le passage à la notion d’ « autorité parentale » partagée à égalité par le père et la mère, autorité qui continue à exister même en cas de divorce ou de remariage. Le conjugal se sépare du parental, et le couple de la famille. Le mariage, comme on l’a vu plus haut, n’est plus l’acte fondateur de la famille. Il est intéressant de noter qu’en 2008, près de 51,6 % des enfants sont nés hors mariage. Le PACS, selon les observateurs, fait de plus en plus figure de moment de quasi-fiançailles, d’ici quelques années il pourrait égaler le chiffre des mariages (F. Héran, 2009) qui a baissé de 11 % durant ces huit dernières années. Le nombre de PACS est passé de 20.000 en 2001 à 150.000 en 2008, tandis que le nombre de mariages en 2008 était de 267.000. L’union des sexes devient de plus en plus une affaire privée, une décision basée sur le poids des sentiments individuels.

Pour M. Godelier (op. cit.), dont le postulat est que nulle part les rapports de parenté ne constituent le fondement de la société et que seuls les rapports politico-religieux réunissent les groupes humains (Célérier, 2006), trois choses ont changé fondamentalement dans notre société : les rapports des hommes et des femmes à la sexualité, leur place dans cette société, ainsi que la place des enfants. La sexualité est découverte plus tôt. La tendance d’une représentation du couple moins dissymétrique se répand, même si par exemple toutes les études montrent que la participation des hommes au travail domestique évolue peu. L’auteur des « Métamorphoses de la parenté » met en évidence dans son approche les inégalités concernant les femmes dont la sphère du politico-religieux est un des bastions les plus fermés.

Le troisième élément de changement est la place de l’enfant, place de plus en plus importante : « La société a réagi en profondeur au fait que, depuis que le divorce est autorisé et relativement facile à obtenir lorsqu’il est demandé par consentement mutuel, les familles se décomposent et se recomposent selon les choix des adultes. » (Godelier, op. cit. p. 565). Quels que soient leurs choix de vie, les parents sont obligés d’assumer leur responsabilité de parents dans les domaines suivants précisés par la loi : la santé, l’éducation, la sécurité et la moralité.

Les familles recomposées font évoluer la notion de parenté. Aux rapports de parenté biologiques viennent se combiner des rapports de « quasi-parenté » avec le nouveau compagnon de la mère ou la nouvelle compagne du père et leurs enfants. Comment qualifier cette nouvelle parenté ? Une parenté sociale (Godelier, 2004, Neyrand, 2008) ? En tout cas, dans la majorité de ces familles, il est attendu un comportement parental de la part de ces beau-père et belle-mère.

Pour Godelier (op. cit.), « Une nouvelle forme de parenté est donc en train de se construire et de se développer dans les sociétés occidentales, où l’union des personnes de sexe différent dépend entièrement de leur décision individuelle, où la famille ne coïncide plus automatiquement avec le couple, où l’autorité des parents sur les enfants ne disparaît pas – et surtout n’est en rien diminuée après que les parents se sont séparés. » (p. 567).

Cette nouvelle parenté de quasi-parents est fondée sur la réalité de la présence de ces derniers auprès de l’enfant, présence tant nourricière qu’éducative (Martial, 2006). Or actuellement, cette quasi-parenté n’a aucune existence légale à cause de l’hétérogénéité des situations et la diversité des liens possibles. L’apparition nécessaire de cette nouvelle forme de parenté est d’autant plus frappante qu’elle a été, durant des siècles soit niée soit exclue, soit interdite.

Godelier rejoint l’ensemble des études sociologiques indiquant le poids déterminant de la décision individuelle dans le choix de vie. La séparation conjugale par exemple n’a plus besoin de justification, le simple consentement mutuel suffit pour l’entériner. Ainsi le conjugal se dissociant du parental, la parenté va être amenée dans certains cas à revêtir un contenu social indépendant du biologique.

Cette parenté prend encore une plus grande prééminence dans les cas de stérilité du couple, dans les cas d’insémination de la mère, les cas de don du sperme pour la stérilité de l’homme, les cas de mère porteuse. Les « donneurs » doivent-ils être reconnus comme des parents ? Le contrat n’est-il pas celui d’un don sans engagement à terme ?

Enfin, de nouvelles questions apparaissent avec la formation de familles homosexuelles : la famille ne serait plus le lieu de la différence de sexes. Que sait-on des conséquences sur l’enfant de l’absence d’une mère ou d’un père avec deux mères ou deux pères présents ? Cette question qui dépasse le cadre de cette thèse est à traiter en acceptant la réalité de ces familles homosexuelles.