2.3.7. La place nouvelle de l’enfant.

Irène Théry notent deux évolutions importantes dans le champ de la conjugalité : « Vers plus de contractualisation du lien de conjugalité, vers plus d’inconditionnalité du lien de filiation. » (Théry, 1993, p. 20). Nous allons développer cette notion d’inconditionnalité du lien de filiation.

Le lien de filiation a suivi le sens inverse du lien de conjugalité, par un effet d’indissolubilité. Au cours du 20e siècle, la représentation de l’enfant change. Il est une personne en devenir, une personne à part entière dont la psychologie décrit le développement. Un nouveau pacte de la filiation s’instaure fondé sur la responsabilité parentale. Loin de se privatiser à l’instar du lien de conjugalité, la filiation s’institue. Elle est ce repère autour duquel se forme la famille, famille qui gagne en incertitude devant la montée des divorces et la recomposition de ses membres.

Mais soudain, en cas de rupture, rien n’est assuré : il appartient au juge de trancher les conditions d’existence de l’enfant, pour son intérêt. A chacun des membres du couple en cours de divorce de négocier le nouveau mode de vie – décidément la négociation, quel maître-mot ! –. Le lien biologique peut être remis en cause. La paternité peut être déchue. C’est le triomphe du nouveau lien familial.

Le statut de l’enfant était dans le passé encore récent, basé sur le modèle généalogique (Fine, 2002) « selon lequel chaque individu est issu de deux autres individus d’une génération ascendante et de sexe différent, qui l’auraient en principe conjointement engendré, ses père et mère. Ce modèle… s’accompagne surtout d’une norme, celle de l’exclusivité de la filiation, c'est-à-dire que chaque individu n’est mis en position de fils ou de fille que par rapport à un seul homme et à une seule femme » (p. 29 – 30). Avec le développement des naissances hors mariage, l’accès important à l’acte d’adoption, l’augmentation des familles recomposées, la définition généalogique connaît des extensions dans une double référence, biologique et sociale. La filiation n’est plus une démonstration mais est aussi une reconnaissance sociale. Le biologique et le social peuvent être concordants, mais ils peuvent ne pas l’être dans le cas de l’adoption, par exemple. Comment considérer le beau-père, nouveau compagnon d’une mère divorcée ? Sans existence juridique, son statut réside dans sa capacité - persévérante - à inventer son rôle auprès de l’enfant. Si son positionnement l’amène à tenir des rôles paternels, faut-il laisser ce vide juridique le qualifier de quasi-parent ?

A l’issue du divorce, l’on voit apparaître « la possibilité de réédification de véritables destins masculins et féminins, enfermant chaque sexe, à travers la question de la filiation, dans le déterminisme des genres » (Théry, op. cit., p. 25). La femme continue à assumer son rôle par rapport à l’enfant tandis que l’homme perd souvent tout contact avec ses enfants, dans une guerre des sexes interminable qui culmine dans ce moment éprouvant où chacun doute de sa capacité à convaincre le juge de sa propre qualité parentale. Incertitude encore !

Toutes les évolutions indiquées précédemment vont prendre une nouvelle dimension dans un contexte culturel où les représentations de chacun des partenaires s’affrontent.