2.3.9. Conclusions

Sur fond de pacification des mœurs, les violences conjugales constituent malgré tout un phénomène social d’ampleur dont l’Etat semble de plus en plus se préoccuper pour arriver à une pax familia. Même si les chiffres varient sur le total, ils indiquent l’insuffisance de les considérer comme des faits divers sans lien entre eux. Dans cette partie sur les dimensions des violences conjugales, nous nous sommes interrogé sur les différents facteurs favorisant l’émergence massive de ces faits de violence.

Pour notre part, nous avons situé ce phénomène social comme tributaire de plusieurs évolutions marquantes :

Notre regard sur les auteurs de violences est double, à la fois social et clinique, dans une articulation des deux champs. Articulation féconde d’une psychopathologie sociale, au sens où le définit M. Cornaton (2004): «  Tout en s’inscrivant dans le champ de la psychologie, une science d’abord centrée sur les relations interindividuelles, elle a le souci de situer la pathologie des individus au sein de leur environnement » (p. 379) et plus loin : « Le fait pathologique, … fait figure d’analyseur des structures psychiques et des modifications sociales qui l’ont fait surgir, en même temps qu’il préfigure. ». Ici, le fait analyseur et fortement significatif est l’addition des faits divers que sont ces actes de violences, symptôme d’une rugosité globale des relations. Le regard social nous permettra de prendre en compte le nombre important d’auteurs de violences, d’en fixer les constantes sociales. Le regard clinique confortera notre représentation de la violence, présente chez tous les êtres humains sous certaines conditions.

La violence conjugale est un fait analyseur du contexte social. Le concept de psychopathologie sociale de Cornaton nous invite à réfléchir sur les configurations sociales actuelles, certaines sont en crise, ce qui peut sembler être une évolution naturelle. Cependant, certaines configurations n’induisent-elles pas davantage que d’autres des incertitudes car elles n’annoncent pas de remplacement. Tous les rapports sociaux ne se valent pas.

La violence conjugale nous invite à explorer la position féminine comme nous le ferons plus loin pour le masculin.

Le lien à l’enfant est le lien le plus solide pour la mère, c’est comme si la maternité et la conjugalité étaient vécues de façon totalement séparées. L’enfant réunit autour de lui famille monoparentale et famille recomposée. Le lien à l’enfant se maintient pour la mère dans la plupart des cas malgré toutes les sinuosités du couple. Assignation sociale du rôle maternel ? Force du lien biologique ? Empreinte du marqueur identitaire ? Ou simplement fidélité au désir de vie ?

On peut aussi avoir une autre interprétation de cette « matricentralité » (Théry, 2002, Fine, 2002), interprétation proche d’une lecture historique telle que la faisait Elias. C’est parce que les femmes ont acquis une identité indépendante de la conjugalité et de la filiation qu’elles peuvent abandonner l’une pour se consacrer à l’autre sans que cette dernière ait un contenu masochiste.

Il convient maintenant d’aborder une autre dimension des violences conjugales, celle concernant les auteurs qui sont dans grande majorité, selon les statistiques, des hommes. Nous procéderons ainsi : nous partirons de la question sociale de la crise du masculin que nous avons rencontrée en partie à propos de la paternité. Cette crise du masculin, si elle était avérée, suffirait-elle à expliquer ce phénomène d’ampleur ? Ne faudra-t-il pas avoir recours aux données cliniques qui, s’articulant aux données sociales, peuvent permettre de gagner en compréhension du phénomène ?