1.3.3. La problématique de la relation de couple.

Elle est dominante dans les récits de Jacques et Amin. Si l’on considère les récits de Jacques et d’Amin, on retrouve des traits communs :

Chez Jacques et Amin, nous n’apercevons pas de profil psychopathologique mais l’incapacité à faire une place à la vie de couple, emportés qu’ils sont par les affres de leur vie professionnelle.

Pour eux aussi, on pourrait parler d’intermittents du couple

A quoi est dû ce manque d’investissement et de présence ? Est-ce simplement par obligation professionnelle ? Non, certainement pas. Il convient au contraire de penser que c’est par peur du couple que nombre d’auteurs de violences conjugales s’investissent de façon démesurée dans un métier ou une activité extérieure. Pourquoi cette peur du couple ? Elle est due en grande partie à une incapacité à « vivre avec ». Incapacité à négocier : soit ils se taisent et accumulent les frustrations, soit ils cherchent à tout prix à imposer. Incapacité à avoir la bonne distance : soit trop près, c’est la confusion, soit trop loin, c’est l’abandon. Incapacité à exprimer leurs émotions et leurs sentiments. La relation de couple reflète ces incapacités et cette insécurité interne dont ils n’ont pas la maîtrise.

Pourquoi certains hommes n’ont pas fait l’apprentissage de leur rôle d’époux ? Cette question est sans doute au cœur des violences conjugales et pour y répondre, il faut faire référence au processus identificatoire paternel dont on analyse actuellement l’évolution historique (M. Tort, 2006). L’apprentissage intergénérationnel du père, notamment dans les classes sociales modestes a porté principalement sur le métier et non sur le rôle d’époux; les enfants se contentant souvent de reproduire les comportements du père, de façon consciente ou inconsciente. Cette reproduction aurait pu fonctionner de façon satisfaisante si le contexte social n’avait pas fait apparaître les évolutions décrites plus haut dans notre première partie, telles que l’augmentation massive du chômage, la diminution des mariages, le développement des familles monoparentales, la place grandissante de l’emploi salarié féminin (C. Bard, 2001), la revendication féminine d’autonomie, la déstabilisation du modèle paternel traditionnel. Ainsi les enfants des trente Glorieuses se sont-ils vus désarmés devant ces évolutions auxquelles les pères n’ont pu les préparer.

Dans ce même ouvrage, Michel Tort cite les domaines où la fonction paternelle n’est plus exclusive, voire indispensable, notamment dans l’éducation des enfants, dans la procréation, dans la conjugalité, dans la vie sociale et financière et dans la répartition des tâches du quotidien.

L’on comprend pourquoi dans nos groupes les rôles les plus cités par les participants sont ceux de travailleur et de père et non celui d’époux. Le rôle de père le plus souvent décrit est un rôle de père maternant et non de père transmetteur d’apprentissage, c’est un rôle de père rempli d’affection calqué sur la fonction maternelle traditionnelle. En fait, souligne l’auteur de « La fin du dogme paternel », chacun des membres de la famille ne justifie plus actuellement son existence par une place ou/et un rôle mais par sa personne, ses qualités personnelles. Il faut sans doute atténuer cette conclusion par la persistance actuelle de statuts et de rôles traditionnels dans la relation de couple.

Paradoxalement, l’issue de l’événement de violence va leur indiquer les modalités de cet apprentissage dont les caractéristiques seront :

Tout ceci nous renseigne sur la nécessité d’une prévention primaire auprès des jeunes en matière de relations affectives. Nous reprendrons ce point dans notre programme de prévention.

Ainsi que l’indiquent les différents profils d’auteurs de violences conjugales, la problématique du couple est inséparable de la problématique psychologique individuelle.