1.3.4.2. Le cas de Serge.

Le cas de Serge illustre aussi une problématique psychologique. Chez Serge, la présence du risque au quotidien est marquante. Serge a un métier à risque élevé, dans tous les sens du terme. Dans l’organisation d’évènements de spectacles, Serge est chargé du montage de chapiteaux et des scènes, voire des tribunes et tout ceci à l’étranger. Le risque est réel et permanent. Serge a confiance dans sa bonne étoile et dans… la prière, grâce au chapelet qui ne le quitte pas.

Serge prend des risques aussi dans sa vie affective : alors qu’il est marié, il est sans cesse accompagné d’une jeune femme de vingt ans. Pour lui, dans une sorte de déni, il ne voit aucune ambiguïté dans une telle compagnie.

Risque encore dans ce métier de laveur de vitre exercé même en compétition !

Comme la grande majorité des auteurs de violences conjugales, Serge est un intermittent du couple : pire, il inverse la relation en étant davantage avec une autre jeune femme qu’avec sa propre épouse. Les missions professionnelles l’obligent à être absent de longues périodes. Serge surfe sur les vagues du risque : parfois en haut et il accède à une vision grandiose, celle que l’on a du haut d’un immeuble, d’un chapiteau ou encore d’un salaire hors norme. Il côtoie des personnages célèbres, des artistes, des producteurs richissimes, et puis il y a ces moments difficiles où Serge se retrouve en bas. Il est menacé par des malfrats à la suite d’une vulgaire panne d’essence. Serge aspire vers les sommets et soudain cette vie grandiose s’effondre, fragilité des choses. Ce que craint Serge est-ce l’effondrement ? Et par un mécanisme contre-phobique en vient-il à bâtir des châteaux ? A ce point de l’analyse comment ne pas faire référence à un article de Winnicott sur la crainte de l’effondrement (1974) ? Serge a-t-il vécu précédemment des périodes dépressives, sa vie elle-même n’est-elle pas une lutte contre la dépressivité ?

En conclusion, la dynamique intrapsychique de Serge fait penser à une succession de phases maniaco-dépressives ( ou de troubles bipolaires) dont Serge ne relie pas les aspects. Il semble vivre au jour le jour, aujourd’hui, ici, demain, là. La permanence de son identité réside dans son affrontement avec le risque pour se rassurer, pour ne pas s’effondrer.