2. Les hypothèses et méthodologie de la recherche

2.1. Premier champ d’hypothèses : hypothèse liée à une meilleure connaissance des mécanismes de violences conjugales considérées du côté des auteurs.

Dans notre souci de connaissance des situations de violences conjugales, nous faisons l’hypothèse d’une triple fragilité fondamentale des auteurs de violences conjugales : précarité sociale, inadaptabilité conjugale et vulnérabilité psychique. Les trois termes de cette fragilité sont liés et dialectiques comme si chacun de ces termes renvoyait aux deux autres. Le contexte culturel pour certains fera effet d’amplification de cette triple fragilité.

Les violences conjugales ont lieu sur fond d’une triple crise de sens tout à fait actuelle (De Foucauld & Piveteau) : crise du lien social, de l’emploi et du sens social : « Ce qui disparaît, c’est le jeu d’obligations mutuelles, de devoirs réciproques, d’indissolubilité, d’engagements permanents et inscrits dans les rites sociaux ... ce qui est en crise, c’est l’entourage perdu. » (2000, p. 74). Il s’agit de la « recomposition de l’accès au sens, par laquelle il est brutalement de la responsabilité de chacun d’avoir à affronter un grand nombre de systèmes de référence possibles » (op. cit. p. 110). Les auteurs notent la décomposition et recomposition du lien social, et parlent de libre-service du lien social : ce sont les mêmes termes qui qualifient les liens familiaux, du démariage aux remariages. La conjugalité n’échappe pas évidemment à la fragilité du lien.

La confluence de ces trois champs constituerait un ensemble multi-causal amenant à favoriser l’émergence des situations de violences conjugales. Déterminer le poids de chacune des trois dimensions est ardu : la dimension sociale ne peut expliquer à elle seule le déclenchement de la violence, par contre elle est une piste d’explication quant au nombre d’actes et d’auteurs. Si cette dimension était exclusive, nous aboutirions au sociologisme. Si cette dimension est présente et articulée avec les deux autres, elle montre les limites du changement. Les deux autres dimensions (dyadique et intrapsychique) sont également liées de façon indissociable. L’étude sur le crime passionnel (Houel, et al., 2008) met aussi en évidence ces trois dimensions.

On pourrait représenter ainsi l’articulation emboîtée de ces trois champs :

Tableau 10 – Représentation des différentes dimensions des violences conjugales.
Tableau 10 – Représentation des différentes dimensions des violences conjugales.

Source : construit par l’auteur.

Pour notre part, nous figurons, en tant que psychologue social, le champ socio-anthropologique comme une dimension enveloppante, et un facteur surdéterminant les deux autres champs. Comme l’expose Devereux (1967), c’est le rapport d’articulation entre ces déterminants qui constitue le meilleur explicatif. En effet, on ne peut rendre compte de l’importance numérique des violences conjugales si on n’articule pas ces approches.