2.2. Deuxième champ d’hypothèses : Hypothèses liées au champ de la prévention de la répétition des violences conjugales.

Le dispositif VIRAGE est né d’une demande sociale. La DDASS Loire, puis l’Etat par l’intermédiaire de la Préfecture de la Loire vont octroyer au dispositif des subventions : quelle est la demande sociale accompagnant ces subventions ?

Nous pourrions la formuler ainsi : agir pour éviter la répétition des violences conjugales. Comment ? En permettant, par une action sociale et psychologique, aux agresseurs d’intérioriser l’interdit de violence, de reconnaître leur responsabilité, de développer un comportement de respect et de confiance vis-à-vis de leur conjointe, et dans le cas d’une séparation de ne pas reconduire les comportements violents.

Cette demande sociale est l’autre versant de la loi réprimant la violence conjugale. Le « Tu ne frapperas pas » que nous27 répétons dans les groupes de prévention est en référence à un interdit social, interdit dont l’intensité de prégnance et d’intériorisation a diminué avec la transformation profonde des structures de socialisation (famille, travail, religion…). Cet interdit social par manque de relais dans la socialisation (perte de l’influence religieuse et du lien social) repose sur un effort de réflexivité d’Ego sur lui-même (Kaufmann, 2004). Ainsi, c’est à un travail sur eux-mêmes que nous convions les participants au décours des séances de groupe. C’est dire les limites d’une telle entreprise !

La même demande sociale « frappera » aussi, si l’on peut dire, bientôt les agresseurs sexuels convoqués bientôt eux aussi dans des groupes mis en place par les SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de Probation). Les chauffards sont aussi soumis au stage de récupération des points de permis intitulé formation « post-permis sécurité routière ». En 2006, ce sont 55.598 conducteurs qui ont participé à un tel stage. Appel à la bonne volonté, à la réflexion, au bon sens, au sens civique. Notons que les stages de la Prévention routière ont bien plus de succès que nos propres groupes : cela est dû sans aucun doute au bénéfice attendu… C’est encore le cas pour les stages mis en place par le Ministère de la Justice intitulés « Stages de formation civique » destinés aux mineurs de dix à dix-huit ans. Ces stages de quelques jours constituent une réponse pénale entre l’accompagnement éducatif et une peine. Ce stage doit permettre à l’auteur des faits de prendre conscience des faits commis dans le souci de favoriser son insertion sociale par « l’ouverture à l’Autre »(extrait d’un document de la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse de la Loire, CAEI Saint-Etienne, 2005, p. 2).

Dans notre objectif de prévention, nous faisons l’hypothèse que les modalités groupales sont un moyen de prévention et d’arrêt de la violence physique.

Car ces groupes doivent induire les effets suivants que nous tenterons de vérifier :

  • La reconnaissance des faits de violence
  • Le développement de la responsabilisation
  • Une reprise de l’estime de soi
  • L’expression d’une problématique interne liée au passé et aux relations parentales
  • L’ouverture à de nouveaux modes de communication avec le (la) conjoint(e).

Grâce à ces effets et à une intériorisation plus importante de l’interdit de violence, les participants à ces groupes de prévention deviennent demandeurs d’acquisition de nouveaux comportements basés sur une communication plus égalitaire et non violente. Il est certain que le maintien de cette nouvelle attitude réclame un prolongement de moyens variés : suivi thérapeutique individuel, thérapie familiale, mise en place de modules spécialisés…

Si nous pensions que la participation à ces séances de groupes suffisait à modifier totalement et radicalement le comportement de ces auteurs de violences, nous ferions preuve d’un grand idéalisme, d’une grande naïveté, dans une sorte de confiance aveugle en la bonne volonté naturelle. Cela réduirait le changement à l’acquisition de nouvelles habitudes, à une simple prise de conscience. En fait, le changement doit être plus global, et son contexte social et culturel bien plus difficile à modifier …

En conclusion à cette partie sur les hypothèses, il nous semble important de retenir que les auteurs présentent une triple fragilité, sociale et culturelle, dyadique et intrapsychique. Les groupes d’auteurs, adossés à la loi, agiraient à deux de ces trois niveaux – la dimension sociale n’est pas concernée directement par les objectifs - et permettraient d’éviter la répétition des actes de violences.

Notes
27.

Le « nous » comprend l’ensemble des animateurs des groupes.