3. La problématique des groupes de prévention.

3.1. Dénomination des groupes de prévention.

Le rapport Coutanceau (op. cit.) affirme de façon claire l’intérêt du travail en groupe pour les personnes auteurs de violences conjugales : « A notre sens, l’outil essentiel pour la prise en charge des sujets violents est la technique de groupe, tant les indications de la prise en charge individuelle sont dans un premier temps limitées si l’objectif est de proposer une aide, un suivi, un travail de prévention de la répétition à un grand nombre de sujets violents » (2006, p.8) et plus loin : « Dans la technique de groupe il s’agit de favoriser l’écoute mutuelle, desortir de sa problématique égoïste, d’écouter la différence. Ces sujets décrits souvent comme minimisant, banalisant les faits de violence, sont en quelque sorte « condamnés » à écouter d’autres un peu plus avancés sur le chemin de la réflexion, de la compréhension, de la capacité à exprimer leurs propres émotions. Il y a là un effet fort de la dynamique de groupe. Parallèlement l’écoute d’autres protagonistes dédramatise un peu la question, en ouvrant des perspectives pour le sujet violent … » (op. cit. p. 14).

L’esprit de cette dynamique de groupe est de permettre « un accompagnement, pour faire évoluer le sujet - dans une logique psychothérapique - mais aussi de prévenir toute récidive dans une logique sociale de prévention, ou encore de permettre de mieux vivre le couple sur un modèle égalitaire. » (ibidem).

Pour R. Coutanceau, la prise en compte des auteurs suppose un rappel à la loi préalable, une intervention précoce en pré-sentenciel29 et un caractère obligatoire du suivi.

La dénomination de ces groupes reflète non seulement l’objectif mais aussi le positionnement du dispositif par rapport aux victimes et plus largement aux situations de violences conjugales. D’emblée nous avons refusé la notion de « groupe thérapeutique » même si certains effets directs ou indirects étaient de l’ordre du soin. Une thérapie supposerait un nombre plus important de séances, un autre type d’animation et une approche complémentaire individuelle. Nous reviendrons sur ce point dans notre troisième partie.

S’il était aussi une dénomination inutilisable, c’était celle de « groupe de parole » dont la nécessaire empathie était réservée aux victimes. La formule « groupe d’expression » de même était inappropriée. Notre but n’était pas de permettre une simple expression des participants même si leur participation orale au cours des séances de groupe était essentielle.

Nous avons opté pour la formule « groupe de prévention » car elle va au-delà, nous semble-t-il, d’une prise de conscience de responsabilisation30. Les termes de « groupe de prévention » nous semble indiquer davantage que ces groupes sont mis en place dans le but d’une diminution des actes de violences conjugales, qu’ils constituent une certaine forme de protection des victimes, à court et moyen terme, qu’ils constituent un moment privilégié pour les participants de réfléchir au devenir de leur relation.

La prévention de la récidive suppose la responsabilisation définie ainsi par Broué et Guèvremont : « Une réappropriation des affects dépressifs qui permet paradoxalement à l’individu de reconstruire l’estime de soi en retrouvant la possibilité d’agir sur ce qu’il ressent puisque c’est en lui que cela se passe. L’atteinte de cet objectif nécessite une remise en cause du système decroyance de l’individu (le rationnel justifiant le recours à la violence). La confrontation par le groupe de pairs est d’une grande efficacité sur ce plan puisqu’elle s’accompagne du support nécessaire. » (1999, p. 32). Nous voudrions souligner l’importance de ce mouvement du passage des affects dépressifs à une position moins émotionnelle. Nous verrons plus loin que ce passage est un des acquis du travail en groupe.

Le travail en groupe permet à la fois un travail clinique et un travail cognitif en replaçant de façon explicite la place de la loi, en déplaçant la culpabilité parfois empreinte de fausse victimisation, dans le champ de la responsabilité.

C’est l’effet souhaité du dispositif VIRAGE : le développement de l’intériorisation de l’interdit de la violence, la manifestation d’un comportement de respect.

L’écueil à éviter serait celui de la déjudiciarisation comme contrepartie de la présence aux séances.

C’est en cela que nous pourrons dénommer le dispositif comme psycho-éducatif, avec ses deux grandes parties, l’une de nature cognitive, l’autre plus clinique.

Le dispositif VIRAGE a évolué en deux phases dont nous allons décrire les caractéristiques.

Notes
29.

Le terme de pré-sentenciel correspond à la période antérieure au passage devant le Tribunal et au jugement.

30.

Nous discuterons plus loin le terme de responsabilisation dont la signification morale peut paraître discordant avec notre approche psychologique.