3.2.3.5. La catégorie socioprofessionnelle.

Tableau 22 – Catégories professionnelles des 400 mis en cause.
  Phase expérimentale Deuxième phase
  Orientés Participants Orientés Participants
Retraité/Invalide 11 soit 10,2 % 3 23 soit 7,8 % 6
Sans emploi 20 soit 18,6 % 3 51 soit 17,4 % 11
Ouvrier, employé, artisan, chauffeur routier 65 soit 60,7 % 17 198 soit 67,5 % 24
Enseignant 2 soit 1,8 % 2 2 soit 0,6 % 2
Gérant –vendeur
Commerçant
9 soit 8,4 % 3 19 soit 6,4 % 8
TOTAL 107 28 293 51

Source : construit par l’auteur.

Dans les deux phases du dispositif, et sans différence entre elles, nous trouvons certaines catégories professionnelles en nombre beaucoup plus important : il s’agit des catégories « ouvrier, employé, artisan, chauffeur routier » présentes tant chez les personnes orientées que chez les participants aux séances de groupe. Nous faisons le constat d’une surreprésentation de ces catégories au sein de notre population.

En deuxième position, figurent en nombre équivalent les catégories « Sans emploi » et « Retraité, invalide ».

Sont fortement minoritaires ou complètement absentes les catégories socioprofessionnelles liées à la classe moyenne, aux professions libérales et aux classes supérieures.

Si les enquêtes et les observations des professionnels convergent pour affirmer que les violences conjugales sont présentes dans tous les milieux, il convient de noter que la majorité des faits déclarés auprès de la Police et des Parquets concernent des catégories socioprofessionnelles modestes. Pourquoi ?

L’hypothèse que nous ferions est que ces catégories sociales sont plus démunies dans la situation d’impasse socio-conjugale que nous avons décrite, et que cette situation requiert l’intervention obligée de la loi. L’absence, dans ce contexte, des couples appartenant à la classe moyenne et à la classe supérieure indique que les solutions envisagées par ces catégories sont différentes : recherche d’une médiation amie, départ provisoire de la victime sans fort préjudice financier, recherche de compromis… Les femmes victimes appartenant à la classe moyenne et à des classes supérieures n’auraient pas le même besoin de recourir au dépôt de plainte. Pour la plupart, elles auraient peut-être d’autres possibilités et ressources tant dans leur entourage familial ou social, ou du moins elles espèrent en ces possibilités. Une autre hypothèse plus vraisemblable est que le fait d’être battu constitue pour elles un sentiment de honte sociale. Nous reprendrons cette donnée importante dans notre troisième partie, notamment dans l’analyse des trajectoires.

Nous allons trouver des caractéristiques semblables parmi celles tirées d’un article de Sylvie Veran58. Dans cet article, elle reprend les statistiques du Parquet de Douai. Le Procureur indique que « seulement 57 % des 140 hommes violents suivis par le SCJE de Douai ont un emploi, essentiellement dans les secteurs ouvriers et employés, 60 % d’entre eux sont dépendants à l’alcool, 40 % ont déjà eu affaire à la justice ».

De même, P. Cador (2005) indique que la grande majorité des femmes qui portent plainte sont issues de milieux populaires, en fait largement défavorisés.L’âge moyen de ces femmes victimes est analogue à celui des auteurs indiqués plus haut. P. Cador confirme, à partir de l’étude de 130 dossiers, l’appartenance des auteurs de violences conjugales aux milieux défavorisés et aux emplois d’ouvriers, chauffeur routier, voire artisan, ainsi que 30 % de sans-emploi.

Un autre dispositif semblable à VIRAGE– celui du Val d’Oise – indique dans le même sens que les personnes rencontrées dans les groupes mis en place, sont issues des milieux socioéconomiques les moins favorisés « car les interventions des travailleurs sociaux favorisent la visibilité de leurs violences. Les victimes des classes dites supérieures portent plainte plus rarement car le jugement social semble y être encore plus prégnant. » (site internet)

Un dispositif belge, Praxis, confirme aussi cette même donnée : interrogé sur son activité, P. Fonck nous a adressé les éléments suivants portant sur le dépouillement de 635 dossiers d’une période de 2002 à 2005 : Les catégories suivantes : employé, ouvrier, apprenti, représentent plus de la moitié des dossiers. Aucun membre des professions libérales ni de la classe moyenne n’est présent dans les 635 dossiers. Les sans-emploi représentent 35,3 % de la population étudiée.

L’ensemble de ces données convergentes confirme notre conclusion issue de l’analyse de notre population : il y a parmi les mis en cause, à la suite d’une plainte, une surreprésentation des catégories suivantes : employé, ouvrier, artisan, chauffeur routier et sans emploi.

Notes
58.

Extrait du Nouvel Observateur – 27 janvier au 2 février 2005.