4. Le déroulement des séances de groupe.

Avant d’aborder le déroulement des groupes que nous avons co-animés, il nous paraît intéressant d’évoquer l’expérience de tels groupes au Québec.

4.1. Les groupes au Québec.

Les premiers à avoir organisé des groupes en direction des auteurs de violences conjugales sont les Américains dès 1977, puis les Canadiens, notamment autour d’Option. Les programmes canadiens se sont développés sans lien de coordination, au départ en tout cas, sans politique d’ensemble. Cet aspect ressemble au contexte français, voire européen. Comme en France, les groupes canadiens d’auteurs de violences conjugales ont essaimé selon le bon vouloir des initiatives individuelles. Les associations ici comme là-bas ont joué un rôle essentiel, avec un double aspect contradictoire : la mise en œuvre de qualités de dynamisme et d’imagination, et l’inconvénient d’une précarité et d’une fragilité des dispositifs soumis à l’approbation financière des structures délivrant les subventions. Ici comme là-bas, les réseaux mobilisés ont été ceux de la santé et des services sociaux.

Quelle évaluation les canadiens font-ils du programme de thérapies des hommes violents ?

Dans un document intitulé « L’évaluation des programmes de traitement pour conjoints violents » Hanson, R.K. et Hart, L. (1991) du Ministère du Sollicitateur général du Canada font le point sur toutes les actions réalisées au Québec et au Canada pour conjoints violents. Ils ont étudié quatre programmes de traitement concernant 230 participants. Il y a peu de différence quant au taux de récidive entre les programmes quelle que soit la méthode choisie. Il s’en dégage des points très importants : Le principal danger serait d’associer psychologisation et déjudiciarisation. Le paradigme commun aux différentes actions serait que l’homme violent est un malade qui doit faire l’objet d’une approche thérapeutique. Or ce paradigme est loin d’aboutir à des résultats manifestes. Selon ces deux auteurs, les hommes violents présentent à l’origine davantage d’éléments psychopathologiques, mais pas davantage de troubles psychiatriques, ni de symptômes dépressifs, ni de manque de contrôle de la colère, ni de problème de stress, ni de fait de violence subie au cours de l’enfance, ni de manque d’habiletés. Sur cette question de l’existence d’une période de maltraitance, d’autres auteurs (notamment Saunders, 1992, Dutton, 1996) émettent une thèse inverse.

Hanson et Hart indiquent que la prédiction de la récidive par l’approche psychologisante est encore impossible. Les dispositifs mis en œuvre sont de fait sélectifs. Ils privilégient l’entrée des sujets « les plus prometteurs » et de plus, les thérapies concernent peu d’hommes : sur 100 hommes sollicités, cinq seulement terminent la thérapie de trente semaines (Oto Cadsky, 1999). Par ailleurs, l’évaluation souligne aussi une sous-estimation du facteur de désirabilité sociale amenant les agresseurs à adopter une attitude conforme à ce qu’attendent les thérapeutes. La cessation des violences physiques ne garantit pas la cessation d’autres formes de violences, psychologiques notamment. La thérapie pourrait même être contre-productive puisque selon une étude citée par Broué et Guèvremont (1989) les hommes intégrés dans un dispositif témoignent d’une récidive plus élevée que les hommes simplement arrêtés.

Le bilan québécois (Hanson et Hart, op. cit.) indique les écueils à éviter :

  • Eviter de considérer les auteurs de violences comme des personnes malades,
  • Eviter de positionner les groupes d’auteurs comme des groupes exclusivement thérapeutiques,
  • Eviter de faire de ces groupes une alternative de déjudiciarisation.

Ainsi dès le début de l’organisation de dispositifs de prise en compte des auteurs de violences conjugales, le lien entre la loi et la prévention s’imposa. Ce début d’expérience s’appuyait aussi sur des valeurs :

  • Celle de distinguer la responsabilité du cogneur vis-à-vis de la victime, en refusant la notion de co-responsabilité de la violence.
  • Celle d’essayer de comprendre le sens de l’acte de violence et son contexte, comprendre mais non excuser.
  • Celle de vouloir prendre en compte l’histoire des individus et non pas seulement le moment de crise conjugale.
  • Celle de situer cette histoire dans un contexte de domination masculine et de hiérarchisation des sexes.